La convocation du corps électoral pour une présidentielle programmée pour le 12 décembre prochain dans l'impression d'avoir assommé la classe politique nationale. Un silence assourdissant. Jusqu'à hier après-midi, les réactions à cette décision du pouvoir en place se comptaient sur les doigts d'une seule main. Les partis, y compris les partisans de l'élections « dans les plus brefs délais », donnent l'impression d'être gorgés par l'annonce faite par le chef de l'Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah. Ont-ils été surpris ? Ont-ils peur de se prononcer, avant de voir la réaction de la rue ? Pourtant, depuis quelques semaines, deux grandes tendances se sont formées sur la scène nationale. Il y a d'un côté les partisans d'une transition démocratique, de l'autre les défenseurs d'une élection présidentielle avant d'entamer les grands chantiers des réforme exigés par le mouvement populaire du 22 Février. Si les premiers ont déjà exprimé leur rejet de cette échéance sans le passage par «un processus constituant», les seconds sont toujours dans l'expectative. Pour le moment, seule une partie de la société civile a dénoncé ce «passage en force électoral» et tient à «la tenue d'une conférence nationale unitaire» en vue de sortir avec une solution consensuelle à la crise actuelle. «Le coup de force tenté par le pouvoir réel, sous-traité au pouvoir politique et relais du système, est voué à l'échec», affirme à nouveau Saïd Salhi, vice-président de la Laddh et membre du Collectif de la société civile pour la transition démocratique. Dans une déclaration rendue publique, hier, il estime que la décision du pouvoir «est sentie comme une autre provocation contre un peuple en révolution de changement». « La feuille de route du système est déjà discréditée car proposée et exécutée par ses symboles. Le pouvoir n'a même pas réussi à recruter en dehors de son cercle – déjà rejeté par le peuple – et il n'a pas pu convaincre et entraîner avec lui l'opposition, les militants, les personnalités crédibles», rappelle-t-il. Benflis se prépare Evoquant toutes les démarches boiteuses entreprises jusque-là, Saïd Salhi affirme aussi que «le pouvoir, par son entêtement, a opté pour le prolongement de la crise». «Il accentue le bras de fer, au risque de compromettre la solution politique», met-il en garde. Dans le deuxième pôle qui a organisé le forum du dialogue, le 6 juillet dernier, seul le président du parti Talaie El Hourriyet, Ali Benflis, s'est montré «très favorable» à la tenue de la présidentielle. L'ancien chef de gouvernement se préparerait même à annoncer sa candidature, c'est ce que l'on peut déduire de ses dernières sorties. «L'horizon semble se dégager. Les perspectives s'ouvrent. L'impasse n'apparaît plus comme insurmontable. Jamais notre pays n'a été aussi proche de la sortie de crise. Et jamais l'élection présidentielle n'est apparue aussi propice à cette sortie de crise», a-t-il écrit sur sa page Facebook. Cette position a été reprise, avant-hier, par le bureau politique de sa formation, qui estime que «les conditions institutionnelles et légales pour la tenue d'un scrutin présidentiel transparent, régulier et impartial, sont globalement réalisées». Talaie El Hourriyet insiste, dans un communiqué rendu public, sur la préparation d'un climat idoine pour la tenue de cette élection : «Le départ de l'Exécutif actuel, rejeté par le peuple, et son remplacement par un gouvernement de compétences nationales crédibles et respectées, de même que la mise en œuvre de l'ensemble des autres mesures mises en exergue dans le rapport final du panel, qui portent sur des droits et des libertés, seront assurément de nature à aider à créer l'environnement propice à une participation électorale importante.» Et d'ajouter : «Cette participation donnera au Président élu la légitimité suffisante pour engager les réformes politiques, économiques et sociales indispensables pour jeter les bases de l'émergence d'une société de droit et de libertés, la construction d'une économie nationale diversifiée, performante, productrice de richesses et d'un système social fondé sur la solidarité, l'inclusion et l'équité.» Cette position n'est pas partagée par certains participants au forum du 6 juillet. C'est le cas du président du FJD, Abdellah Djaballah, qui a critiqué sévèrement les irrégularités dans les textes régissant les élections adoptés par le Parlement et la répression du hirak. L'historien Mohand Arezki Ferad, dans un post sur sa page Facebook, se dit «pas convaincu par une élection qui se tient dans un climat caractérisé par l'absence de dialogue, le verrouillage des médias, les interpellations, la répression. Cette élection supervisée par des symboles du régime vise un passage en force».