La perturbation occasionnée au marché a dépassé la perte de production de pétrole koweïtienne et irakienne en août 1990, lorsque Saddam Hussein a envahi son voisin. Le pétrole a enregistré, hier, son plus important bond en une journée, dépassant brièvement 71 dollars le baril après les attaques imputées aux rebelles yéménites contre une installation pétrolière saoudienne, ce qui a supprimé environ 5% des approvisionnements mondiaux et fait craindre une plus grande déstabilisation dans la région. La compagnie Saudi Aramco, producteur d'Etat dans le secteur de l'énergie, a perdu environ 5,7 millions de barils par jour dès samedi, après qu'une attaque de drones, exécutée par les rebelles houthis, ait ciblé la plus grande installation de traitement du pétrole brut à Abqaiq et sur le deuxième plus grand champ pétrolier du royaume à Khurais. La perturbation occasionnée au marché a dépassé la perte de production de pétrole koweïtienne et irakienne en août 1990, lorsque Saddam Hussein a envahi son voisin. Elle a dépassé également la perte de production de pétrole iranienne en 1979 pendant la Révolution islamique, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Hier, en début de cotation, les contrats à terme du Brent côté à Londres ont bondi de près de 12 dollars dans les secondes qui ont suivi l'ouverture, un record jamais égalé depuis 1988. Les prix ont ensuite reculé d'environ la moitié de ce gain initial, soit de près de 20%, totalisant tout de même la plus grande remontée en presque trois ans. Pour les marchés pétroliers, il s'agit, selon Bloomberg, de la pire perturbation soudaine jamais enregistrée, et si l'Arabie Saoudite est en mesure de récupérer une partie de son stock en quelques jours, les attaques mettent en évidence la vulnérabilité du principal exportateur mondial. Elles ravivent également les risques politiques liés aux prix, avec le risque accru de conflit dans une région qui détient près de la moitié des réserves mondiales de brut. Face à la perte record d'approvisionnement fourni par l'Arabie Saoudite, l'Opep est restée dans l'expectative. Le secrétaire général de l'Organisation, Mohammed Barkindo, a souligné dans une déclaration répercutée par Bloomberg qu'il est prématuré d'envisager une augmentation de la production de l'OPEP. L'Arabie Saoudite est en mesure, selon les analystes, de relancer un volume important de la production de pétrole perdue en quelques jours, mais a besoin de plusieurs semaines pour rétablir sa pleine capacité de production. Le ministre saoudien de l'Energie, le prince Abdel Aziz ben Salmane, a déclaré dimanche que le royaume utilisera ses vastes stocks pour compenser en partie la perte de production, et les Etats-Unis ont également autorisé le recours à leurs réserves. L'Arabie Saoudite, poids lourd de l'OPEP, pompe 9,9 millions de barils par jour, soit près de 10% de la demande mondiale, dont 7 millions de barils par jour sont destinés à l'exportation. Le royaume dispose également d'une capacité inutilisée d'environ deux millions de barils par jour qu'il peut utiliser en période de crise. Le royaume peut en effet utiliser des stocks pour maintenir l'approvisionnement à court terme, mais Aramco pourrait envisager de se déclarer incapable de remplir des contrats pour certaines expéditions internationales – appelées force majeure – si la reprise de la capacité totale à Abqaiq prend des semaines selon Bloomberg. Cela ébranlerait davantage les marchés du pétrole et jetterait une ombre sur les préparatifs d'Aramco pour ce qui pourrait être la plus grande offre publique initiale au monde. Au lendemain des attaques contre les installations saoudiennes, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a pointé du doigt Téhéran, affirmant qu'il n'y avait aucune preuve que le Yémen avait servi à lancer une «attaque sans précédent sur l'approvisionnement énergétique mondial». Le président américain Donald Trump a évoqué, dans la foulée, la possibilité de représailles militaires, sans désigner l'auteur des attaques. Pour sa part, Téhéran nie ces accusations. Celles-ci ont cependant ravivé les craintes d'un conflit au Moyen-Orient après une série d'attaques cette année contre des pétroliers qui ont été imputées à l'Iran.