Les épisodes répétés de canicule et le manque de pluie ont réussi à réduire les espoirs des agriculteurs d'avoir une meilleure récolte que celle de la saison écoulée. La production de figues pour la présente campagne s'annonce maigrichonne dans la vallée de la Soummam. A Béni Maouche, l'un des fiefs de cette culture ancestrale, les agriculteurs accumulent frustration et désillusion. «Cette année, nous avons consenti beaucoup d'efforts dans le binage, la taille et l'apport en fertilisants. Néanmoins, la production est loin des résultats escomptés. Le bilan prévisionnel sera pire que celui de la saison écoulée, lequel est pourtant à ranger aux oubliettes», se désole un fellah du village Tizi Adjissa. Chaque saison apporte son pesant d'aléas et son lot d'incertitudes dans cette région à vocation agricole, immense figueraie s'il en est. Il est ainsi relevé une occurrence accrue de l'avortement des baies et un retard palpable dans le processus de mûrissement. «Quand ce n'est pas les ravageurs des cultures, comme le capnode, qui s'invitent dans les vergers, c'est l'hostilité du climat qui contrarie nos efforts et ruine nos espoirs, comme c'est le cas pour cet été 2019 et les épisodes de canicule à répétition», souligne, la mine dépitée, un paysan du village Aguemoune. La hausse sensible du mercure et la baisse tout aussi remarquable de la pluviométrie ont infligé un revers cuisant à ces gens de la terre et impacté durablement cette culture de type pluviale. Dans les autres localités de la Soummam, comme Timezrit, Chellata et Ouzellaguen, c'est le même constat de désolation qui est invariablement décliné. Les taux d'avortement ont atteint des seuils tout aussi alarmants et jamais égalés. «Plus de la moitié des baies a chuté prématurément», relève un propriétaire de vergers du village Alma, dans la commune de Chellata. Les parcours, légués pour la plupart par les ancêtres, se rétrécissent sans cesse. La production emprunte la même courbe descendante. «La campagne est bouclée sitôt lancée. Les plus chanceux ont pu faire sécher des quantités dérisoires, car nous n'avons même pas eu suffisamment de figues fraîches pour la consommation», relate un citoyen d'Ath M'likèche. «Jadis, on produisait des figues sèches à profusion. L'excédent était écoulé sur le marché. De nos jours, rares sont les producteurs qui arrivent à couvrir les besoins de leurs familles en figues fraîches», soutient un sexagénaire du village Taslent. Sévèrement impactée par l'aridité du climat, la filière figuicole est en proie à un désinvestissement progressif et à une désaffection sans précédent. Résultat des courses : des pratiques, comme la pollinisation par le caprifiguier, tombées en désuétude et des vergers entiers tombés en déshérence. Se sentant désarmés face à l'adversité et impuissants à appréhender les défis, bien des agriculteurs ont dû se résoudre, la mort dans l'âme, à jeter le manche avant la cognée. Ironie du sort : même au cœur de son terroir, ce fruit passionnel, dont le prix dépasse l'entendement, est hors de portée du plus grand nombre.