Alors que le pouvoir réel, incarné par l'état- major, persiste par ses déclarations répétitives, à vouloir passer au pas de charge vers l'élection présidentielle, sur le terrain les interpellations et arrestations d'activistes connus du mouvement de contestation, de militants de partis politiques ou d'organisations de droits de l'homme se poursuivent au mépris de la loi. Des atteintes à la liberté d'expression et d'opinion au quotidien qui font craindre un glissement vers un Etat de non-droit et qui rappellent à tous que l'autoritarisme est encore plus présent que par le passé. Les détenteurs du pouvoir «profond» persistent à vouloir ignorer la principale revendication du «hirak» qui vient de boucler sa 32e semaine de mobilisation pacifique, à savoir le départ du système. Pas question donc pour les millions de contestataires d'accepter un quelconque recyclage de ses résidus dans un ersatz de régime, où l'on retrouve les traces du 5e mandat, jusqu'à l'élection présidentielle du 12 décembre prochain. Tel est donc leur leitmotiv qui revient chaque semaine, dans les rues d'Alger et des autres villes du pays. En face, du côté du sérail, on est toujours sourd à cette principale revendication populaire et on s'active, après avoir expédié en deux temps trois mouvements un prétendu «dialogue», à mettre sur pied une problématique élection présidentielle qui réglerait tout, selon les tenants de cette «solution miracle». Le décor est ainsi planté et les figurants prêts à jouer leur rôle à travers des candidatures de personnalités auxquelles la vox populi reprochera toujours d'avoir frayé un temps avec l'ancien régime du président déchu Abdelaziz Bouteflika. Et ce ne sont pas les dizaines de «lièvres» qui les entourent qui donneront encore plus de crédibilité à un scrutin dénoncé d'ores et déjà par les millions d'Algériens qui manifestent. Ni même les premières condamnations des premières figures de la «bande», de «la îssaba» ne suffiront pas à les convaincre d'aller voter. Bien au contraire. Mais plus grave encore, la multiplication des atteintes aux droits de l'homme et cette dérive vers un Etat de non-droit produiront l'effet inverse de ce que serait une politique d'apaisement. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu'elles ne feront qu'attiser la colère du peuple de manifestants qui rejette d'ores et déjà le scrutin du 12 décembre prochain. Le durcissement de ton du chef d'état-major à l'égard de tous ceux qui ne partagent pas forcément l'option de l'élection présidentielle, le retour de pratiques autoritaires et les dérives antidémocratiques à l'égard de toute opposition compromettent à coup sûr l'alternative proposée par le pouvoir. On ne peut douter que les décideurs, forts des renseignements des différents services de sécurité qui remontent jusqu'à eux, savent tout cela. S'ils persistent à vouloir y aller au pas de charge et courir le risque d'un troisième échec électoral, loin de la sérénité et de l'apaisement réclamés haut et fort, c'est que sans doute au fond d'eux-mêmes, de la même manière qu'Ibn Khaldoun mettait en garde ses contemporains contre le «démon numide» destructeur, ils ne veulent pas de la tenue d'une présidentielle.