Même en vantant «un renforcement» des taxes sur la fortune, l'avant-projet de loi de finances 2020 est loin de régler le problème crucial de l'iniquité fiscale en Algérie. La proposition de loi évoque «un renforcement des impôts et taxes sur la fortune et les biens en fonction des signes de richesses mobilière et immobilière». Le gouvernement veut ainsi «renforcer» un impôt qui existe depuis 1993 sous la dénomination d'«impôt sur le patrimoine». Cependant, l'administration fiscale a-t-elle les moyens de procéder au recouvrement efficace de cet impôt, d'autant que le consentement à la fiscalité est déjà fragilisé par l'informel et la succession d'affaires d'évasion et de fraude fiscales ? D'où la nécessité d'améliorer les conditions de recouvrement ainsi que le recensement fiscal des activités et des patrimoines. L'immense majorité des ménages et les PME sont ceux qui payent le plus, alors que les plus aisés payent des impôts insignifiants : cela va alimenter la hausse des inégalités. La question de la justice fiscale est dès lors largement posée. De plus en plus déséquilibrée et de moins en moins redistributive, la politique fiscale suivie jusque-là a eu des effets dévastateurs. L'érosion du pouvoir d'achat, la précarité et le sentiment de déclassement social se sont développés. La majorité des ménages, qui travaillent et paient des taxes et impôts, éprouvent aujourd'hui des difficultés pour assumer financièrement les charges du foyer. La montée des inégalités remet en débat la question de l'équité fiscale. Le modèle fiscal algérien a besoin d'une réforme juste et pertinente, qui serait comme un compromis constructif d'adaptation de l'Etat-providence à l'impératif de justice sociale et de compétitivité par ces temps de mondialisation. La taxation du fruit du travail a remonté, alors que les plus fortunés, qui activent tant dans le formel que dans l'informel, échappent au fisc, au point que le système est devenu trop injuste. Pour une meilleure justice fiscale, la lutte contre l'informel est urgente. D'autres leviers, à l'image de l'Impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) et l'impôt sur le patrimoine, enregistrent un recouvrement dérisoire, et ce, au détriment du principe d'égalité devant l'impôt en raison des difficultés que rencontrent les services fiscaux quant à la détermination du produit soumis à l'impôt, et l'intensification des fléaux d'évasion et de fraude fiscales. Reste la question de la TVA dont le taux est maintenu à son niveau de 2019, qui reste tout de même pénalisant pour les ménages à revenus modestes. Pour une meilleure justice, la TVA aurait pu être augmentée sur les produits de luxe et sur ceux issus de l'importation, et diminuée pour les biens de nécessité et ceux produits localement. Au final, alors que l'«exaspération fiscale» des Algériens est à son comble, l'argent des contribuables est loin de garantir le plein emploi et le bien-être collectif de la société à travers des services publics de qualité.