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Les salariés payent plus d'IRG que les entrepreneurs
Ils ont versé 4 milliards de dollars au Trésor public
Publié dans El Watan le 25 - 09 - 2013

La question de l'inégalité face à l'impôt ressurgit chaque fois qu'on évoque les rendements de l'IRG et leur contribution aux ressources budgétaires ordinaires.
Les chiffres publiés récemment par la direction générale des prévisions et des politiques affiliée au ministère des Finances ne font que renforcer le constat. Les données, reprises hier par l'APS, démontrent que les salariés payent plus d'impôts que les entreprises et, quand il s'agit d'évoquer la taxation du capital et du patrimoine, le fossé est inimaginable.
Le fait est qu'il est aujourd'hui plus facile pour l'administration de prélever l'impôt à la source plutôt que de contrôler les contribuables indélicats et encore moins de débusquer les fraudeurs. Les éléments publiés par le ministère des Finances démontrent ainsi que près de 4 milliards de dollars ont été versés au Trésor public au premier semestre 2013 au titre de l'IRG, dont 3 milliards de dollars au titre de l'IRG sur salaires, tandis que l'impôt sur les revenus des sociétés (IBS) a rapporté 2,5 milliards de dollars et, conséquence des différentes exonérations, la TVA sur les produits importés rapporte moins de 3 milliards de dollars. Une aberration !
Les inégalités se font ressentir encore plus lorsqu'il s'agit de décortiquer les chiffres concernant le recouvrement de l'IRG. Alors que les salariés ont payé aux impôts 3 milliards de dollars, l'IRG sur les bénéfices industriels et commerciaux, sur les bénéfices non commerciaux, les revenus agricoles, les revenus de location et de cession immobilière, les revenus de cession de capitaux mobiliers ainsi que sur les dividendes n'a rapporté qu'un milliard de dollars durant la même période. Autrement dit, en prenant un raccourci, les salariés payent plus d'impôts que les contribuables activant dans les professions libérales, que les rentiers disposant de biens immobiliers ou que les patrons et actionnaires disposant de parts dans le capital de certaines entreprises. Des disparités induites par un système d'imposition qui ne taxe qu'à hauteur de 10% les revenus du capital et jusqu'à 35% le revenu du travail.
Le fait aussi que l'IRG sur salaire, qui repose sur le principe de la retenue à la source, est recouvré pratiquement en totalité, si l'on ne prend pas en compte le travail informel. Tandis que tout le reste – à savoir les six classes restantes de l'IRG, l'IBS, la TVA et l'impôt sur le patrimoine – s'appuie sur le système déclaratif, les sous-déclarations, l'évasion et la fraude fiscales grevant une part importante de ces ressources.
Les réponses de l'administration fiscale à ce sujet sont pour le moins ahurissantes. Il y a quelques jours, le directeur général des impôts a reconnu à demi-mot l'impuissance des autorités face au phénomène de l'évasion fiscale et de la prédominance du secteur informel dans l'économie nationale. Abderrahmane Raouya a avoué que l'administration fiscale contrôle les contribuables déclarés et enregistrés à son niveau. Néanmoins, à défaut de moyens suffisants pour contrôler et élargir l'assiette fiscale, l'administration dispose de divers instruments pour détecter les signes extérieurs de richesse et, par ricochet, traquer d'éventuels fraudeurs. Mieux encore, contribuer à la résorption de l'informel en traitant le mal à la racine en poursuivant les sources d'enrichissement illicite.
Ainsi, au titre de l'IRG et de l'impôt sur le patrimoine, l'article 98 du code des impôts directs et taxes assimilées permet à l'administration fiscale d'effectuer une évaluation forfaitaire minimale des revenus imposables à travers les signes extérieurs de richesse, comme les résidences principales et secondaires, les véhicules automobiles et motocycles, les bateaux de plaisance ainsi que les chevaux de course. Les droits d'enregistrement et taxes foncières pourraient aussi être un indicateur pour les inspecteurs du fisc, de même que les polices d'assurance contractées par les acquéreurs de nouveaux véhicules, de biens immobiliers ou de bateaux de plaisance.
Par ailleurs, le Service de recherche et de vérification (SRV) a la charge de mener les vérifications approfondies de la situation fiscale d'ensemble, prévues par l'article 21 du code de procédure fiscale. Toutefois, la Vasfe (vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble) ne concerne pour l'heure que les contribuables recensés au titre de l'IRG, ce qui laisse échapper donc tous les acteurs de la sphère informelle.
Démarche kafkaïenne donc que celle de l'administration qui exonère les importateurs mais taxe les salariés et induit donc l'existence de deux castes : celle des contribuables sur lesquels tout le poids des recouvrements fiscaux doit peser et celle des fraudeurs qui ne déclarent rien et, dans le meilleur des cas, bien moins que ce qu'ils devraient. Mais au-delà de la question de l'inégalité face à l'impôt, ce sont les équilibres économiques et budgétaires qui sont en jeu, notamment lorsqu'on sait qu'au premier semestre 2013, les recettes ordinaires n'ont couvert les dépenses de fonctionnement qu'à hauteur de 54%.


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