L'annonce de la création du « gouvernement provisoire kabyle » par Ferhat Mehenni, hier à Paris, ne semble pas trop capter l'intérêt de la classe politique nationale. Les partis politiques se sont montrés presque indifférents. Ils n'ont pas souhaité trop s'attarder sur « l'événement », se contentant de brefs commentaires classiques qui rappellent les positions de principe des uns et des autres. C'est le cas de l'ex-parti unique. Le parti du Front de libération nationale (FLN) a qualifié l'annonce de Ferhat Mehenni d'un « non-événement ». Car pour le parti de Belkhadem, ce que vient de faire Mehenni « n'a aucun impact sur le terrain, ni en Kabylie ni ailleurs », a commenté Kassi Aïssi, qui s'exprimait au nom du FLN. Pour lui, la Kabylie est « une partie intégrante de l'Algérie, elle est au cœur même de l'Algérie. Nous n'avons pas besoin de remonter dans l'histoire ancienne et récente de notre pays pour le démontrer. Donc, nous pensons que l'initiative de Ferhat ne correspond à aucune réalité politique en Algérie », a fait savoir le porte-parole du FLN, non sans rappeler l'attachement « viscéral » de son parti à « l'unité du pays et du peuple ». Le ton est à la modération également chez le Mouvement de la société pour la paix (MSP). Sans trop s'attaquer frontalement à la démarche du désormais président du gouvernement provisoire kabyle, le MSP, par le biais de son porte-parole, Mohamed Djemaâ, a estimé qu'en prônant cette initiative, Ferhat Mehenni « s'isole et il le sait pertinemment. Il cherche juste un effet médiatique sans plus ». Pour le parti de Bouguerra Soltani, « c'est la Kabylie qui s'opposerait en premier contre le projet, cette Kabylie qui a de tout temps été au devant pour défendre l'Algérie, durant l'indépendance et bien après. Son attachement est total à l'unité nationale. Il est sans doute que cette région se démarquera des positions extrémistes de Ferhat Mehenni », a présumé le responsable du MSP. « La classe politique dans sa globalité est unanime à rejeter l'idée de l'autonomie », a-t-il encore observé. Il a rappelé que son parti « condamne ce genre de sortie ». En effet, les partis au pouvoir ne semblent pas trop alarmés par « le projet » de Ferhat, comme le montre aussi le propos du député du Rassemblement national et démocratique (RND), Sedik Chihab. « Aujourd'hui, nous avons complètement dépassé les différents pièges. Le peuple algérien dans son ensemble a su se dresser contre toutes les formes d'intégrisme. Durant les malheurs qu'a connus l'Algérie, la Kabylie a été au-devant de la lutte contre l'extrémisme. » Sans nier que le pays regorge de problèmes, Chihab a estimé que le projet de l'ancien acteur du Mouvement culturel berbère (MCB) « ne tient pas la route ». Du côté des partis de l'opposition, aucune réaction. Si le Front des forces socialistes (FFS) n'a pas souhaité commenter l'annonce du chef du MAK, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), dont est issu Ferhat Mehenni, est resté injoignable toute la journée d'hier. Ces deux partis à forte implantation populaire en Kabylie voient d'un mauvais œil l'apparition d'un mouvement autonomiste. Ils ont exprimé par le passé leur opposition à cette démarche. Même sentiment chez un des dirigeants historiques du MCB, le docteur Mouloud Lounaouci. Dans une déclaration faite à El Watan, il a jugé la façon de Ferhat de procéder de « pas intelligente ». Selon lui, « le monde prend la direction des grands ensembles régionaux ». « C'est une condition qui peut lui permettre d'exister », a-t-il soutenu. Lounaouci, qui était par le passé cadre dirigeant du FFS avant de rejoindre le RCD, est l'un des acteurs politiques à avoir défendu la régionalisation. « C'est vrai que je défends la régionalisation comme mode d'organisation politique, car cela facilite la gestion des régions, mais dans un cadre national en intégrant l'idée d'un ensemble régional. Cet ensemble, pour nous, s'appelle l'Afrique du Nord. Il a au préalable un existant naturel et historique. Mais de là à mettre la Kabylie en marge, je dirais que c'est un pas que je ne franchirai jamais », a souligné Lounaouci, tout en précisant que l'autonomie dont il parle est au plurielle, mais celle dont parle Ferhat est « au singulier ». Non sans juger que le projet annoncé à Paris « n'est pas viable ». Il s'agit, selon lui, « d'un effet d'annonce sans plus », avant de regretter que « politiquement pour exister, il faut sortir du commun ». Mouloud Lounaouci, qui enseigne à l'université de Tizi Ouzou, a rappelé que le combat déclenché dès avril 1980 était pour « la consécration de toutes les libertés démocratiques et le respect des langues algériennes ».