Les Tunisiens décideront aujourd'hui du profil de leur prochain gouvernement. Le scrutin législatif choisira 217 députés parmi plus de 1500 listes et 13 000 candidats. Islamistes, modernistes et indépendants se disputent la domination de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). La Tunisie renouvelle aujourd'hui son Assemblée dans un environnement de crise socioéconomique. A l'image de la présidentielle du 15 septembre dernier, c'est la sanction du pouvoir en place qui est mise en relief. Et si Nidaa Tounes, le grand vainqueur de 2014, est déjà laminé, les islamistes d'Ennahdha jouent leur survie politique, après avoir pesé sur la scène de l'après-révolution. Du résultat de ce scrutin dépendra le profil du prochain gouvernement, le régime politique étant parlementaire. Le 1er parti, aux législatives, désigne le chef du gouvernement. Divergences Si la réconciliation a prévalu durant les huit dernières années en Tunisie, après la chute de Ben Ali, l'échec de la transition socioéconomique fait que les Tunisiens ne veulent plus de ce produit bâtard, où le gouvernement n'a pas de véritable ligne directrice. «Les Tunisiens veulent désormais des gouvernants qui assument leurs choix et disposent de blocs parlementaires qui défendent leurs choix politiques. C'est pour cette raison qu'il y a eu cette gifle des partis au pouvoir, lors du 1er tour de la présidentielle, le 15 septembre dernier», assure l'universitaire démocrate, tête de liste d'El Afdhal, Anouar Ben Naoua. Ce dernier critique donc le pouvoir en place, pour avoir failli dans la réalisation des objectifs de la révolution. Une bonne partie de cette tendance démocrate a soutenu Beji Caïd Essebsi et Nidaa Tounes en 2014. Elle est déçue aujourd'hui et veut changer cette orientation de réconciliation entre modernistes et conservateurs. Même propos contestant le gouvernement en place, chez la jeune Cyrine, 28 ans, infirmière, militante de la société civile dans les rangs de Tounes nhibbouha. Cette ONG est impliquée dans l'assistance aux populations des zones démunies. Cyrine ne cache pas sa sympathie avec Ennahdha, «dans le temps», insiste-t-elle. «Les islamistes ont été persécutés par le régime de Ben Ali. Beaucoup de Tunisiens, comme moi, avons cru qu'ils craignent Dieu et qu'ils vont privilégier l'intérêt du pays», raconte-t-elle, déçue, en ajoutant chercher aujourd'hui une liste honnête qui «place l'intérêt du pays avant tout». Cyrine ne cache néanmoins pas ses doutes sur cette question. «Il s'affirme, de plus en plus, que la sphère politique est très sale», assure-t-elle. A la question de son choix, aujourd'hui, elle dit préférer une liste qui s'affirme conservatrice et défend ses choix, «pas comme Ennahdha, qui veut s'embellir pour plaire à l'Occident», conclut cette jeune voilée. Deux voies Les campagnes électorales des derniers jours ont montré l'existence de deux tendances parmi la population tunisienne. L'une est conservatrice. Elle est représentée, partiellement, par les islamistes d'Ennahdha. L'autre est moderniste, elle est représentée par Nidaa Tounes et ses partis dérivés, comme Qalb Tounes ou le Parti destourien libre. Qalb Tounes et Ennahdha se disputent la 1re place des législatives, avec une longueur d'avance pour Qalb Tounes. Les islamistes d'Ennahdha sont affaiblis par la présence de l'alliance Al Qarama des conservateurs mécontents, ainsi que des sympathisants de l'Union populaire républicaine du Dr Mraihi. Ce dernier s'est avéré conservateur lors de la présidentielle et a accroché une partie du vote islamiste. Les modernistes sont, quant à eux, très divisés. Les plus en vue, selon les sondages, sont, derrière Qalb Tounes, le Parti destourien libre de Abir Moussi, et Tahya Tounes du chef du gouvernement, Youssef Chahed. Les deux clans ne disposent pas d'une possibilité de majorité claire à l'Assemblée. Les élections d'aujourd'hui choisiront la majorité qui tracera les choix économiques de la Tunisie des cinq prochaines années.