Quelque 410 milliards d'euros d'argent public sont engloutis depuis 2004, selon les chiffres officiels. Cela représente quatre fois le budget annuel de l'Etat. Des milliers d'Irakiens sont descendus dans la rue hier pour réclamer à nouveau le départ du gouvernement accusé, entre autres, de corruption. Des tirs ont également résonné dans la capitale irakienne et d'autres villes du sud du pays. A Baghdad, les manifestants marchaient vers la place Tahrir, centre emblématique de la capitale. Entre-temps, des milliers de personnes manifestaient à Diwaniya et Nassiriya (Sud). Ce même jour, le gouvernement a levé le couvre-feu mis en place depuis 48 heures à Baghdad. Une réunion du Parlement consacrée à la crise et prévue en début d'après-midi a été reportée faute de quorum, les 54 députés de la coalition du leader chiite Moqtada Sadr, premier bloc à l'Assemblée, ayant décidé de la boycotter avec d'autres formations. Moqtada Sadr, dont la coalition participe au gouvernement, a appelé vendredi le gouvernement de Adel Abdel Mahdi à démissionner «pour empêcher davantage d'effusion de sang». Il a aussi appelé à «des élections anticipées» sous supervision de l'Organisation des Nations unies (ONU). Le retrait, en 2018, de son soutien au Premier ministre de l'époque, Haïder Al Abadi, à la suite d'un mouvement social, a empêché ce dernier de conserver son poste. Né d'appels sur les réseaux sociaux, le mouvement de contestation s'est déclenché mardi pour protester contre la corruption, le chômage et la dégradation des services publics. Il constitue le premier test pour le gouvernement de Adel Abdel Mahdi, en place depuis à peine un an. Selon un dernier bilan hier de la commission gouvernementale des droits de l'homme irakienne, 93 personnes ont été tuées depuis mardi, en grande majorité des manifestants, et environ 4000 blessées. La plupart des manifestants tués l'ont été par balles, selon des sources médicales. Les autorités ont réclamé du temps aux manifestants pour mettre en place des réformes afin d'améliorer les conditions de vie de la population dans un pays qui n'a pas connu de paix depuis près de quatre décennies. Instabilité et dilapidation Outre la guerre à l'Iran (1980 à 1988), l'Irak a envahi le Koweït en 1990 avant d'en être chassé en 1991. Il a subi un embargo durant plus d'une décennie, puis une invasion dirigée par les Etats-Unis qui a mis fin, en 2003, au régime de Saddam Hussein. Ensuite, le groupe Etat islamique (EI) a pris le contrôle du tiers de l'Irak à partir de 2014, et a fini par être vaincu en décembre 2017 par les troupes irakiennes et des forces paramilitaires aidées par une coalition internationale menée par les Etats-Unis. Le pouvoir central s'est retrouvé aussi face au mouvement de sécession kurde. Le 25 septembre 2017, le président du Kurdistan, Massoud Barzani, organise, contre l'avis de Baghdad et de la communauté internationale, un référendum d'indépendance. Cette consultation se termine en fiasco malgré la victoire massive du oui. Baghdad reprend alors aux Kurdes l'ensemble des zones disputées où se trouvent d'importants champs de pétrole. Ce n'est pas la première fois que les Irakiens manifestent contre la corruption, les pénuries d'eau et d'électricité. Sachant que quelque 410 milliards d'euros d'argent public sont engloutis depuis 2004, selon les chiffres officiels, dans l'affairisme, le clientélisme et le népotisme. Ce qui représente quatre fois le budget annuel de l'Etat. Le 8 juillet 2018, pour ne citer qu'un exemple, s'est déclenché à Bassorah un violent mouvement de contestation sociale justifié par la dégradation des services publics, notamment la pénurie d'électricité, le chômage et la corruption. Les troubles se sont étendus à tout le Sud chiite, avant de gagner Baghdad. Le 29, alors que 14 manifestants ont été tués depuis le début de la contestation, le Premier ministre, Haïdar Al Abadi, ordonne la suspension du ministre de l'Energie Qassem Al Fahdawi, et l'ouverture d'une enquête sur les pratiques de son ministère.