Engagé à la tête d'un vaste mouvement populaire contre la corruption et en faveur de réformes dans le pays, il organise régulièrement des manifestations dans la Zone verte ultra-sécurisée de Baghdad, siège du pouvoir et du parlement irakien dominés par Téhéran. Moqtada al-Sadr mobilise également ses partisans contre les milices chiites du Hachd al-Chaabi (les Forces populaires de mobilisation), alliées de l'Iran. Il s'en démarque tant en raison de leur engagement auprès d'Assad en Syrie que pour leurs exactions contre les populations sunnites en Irak, sous couvert de lutte contre les djihadistes de l'Etat islamique. Selon le site libanais AlKalima Online, de jeunes Irakiens ont même repris à l'université Al-Diwaniya dans le sud du pays le slogan «Iran, dehors, dehors !» contre Kaïs al-Khazaali, le chef de Aasaeb ahl al-Hak (la ligue des vertueux), venu mobiliser en faveur des milices pro-iraniennes. Un slogan que les partisans de Moqtada scandaient lors des occupations de la Zone verte. Il ne peut pas ignorer qu'Assad n'est très certainement pour rien dans l'événement de Khan Cheikhoun. Sa sortie a tout à voir avec des considérations intérieures. Moqtada al-Sadr cherche à se démarquer du gouvernement irakien et des autres partis chiites au pouvoir depuis 2003. Il est engagé depuis plus de deux ans dans une campagne anti-corruption et pro-réforme. A coup de déclarations tonitruantes ou de manifestations monstres, il critique la politique irakienne, très alignée sur Téhéran. Le chef chiite se veut Irakien. Et avec cette déclaration, il veut montrer que l'Irak peut être allié de Téhéran mais ne doit pas être son vassal. Un discours nationaliste, son fond de commerce. Si on compare, le gouvernement irakien a appelé à une enquête internationale sur les évènements de Khan Cheikhoun... sans critiquer Bachar el-Assad. Al-Sadr va même plus loin, il cherche à incarner la voix de la réconciliation chiite-sunnite en osant critiquer un allié de l'Iran, un dirigeant soutenu par Baghdad. C'est un leitmotiv chez lui ces dernières années. Le mois dernier, il osait déclarer que les milices sectaires n'ont pas leur place en Irak. Du miel aux oreilles des sunnites et une provocation pour les milices chiites qui participent à la lutte contre l'organisation de l'EI mais qui ont été accusées de crimes de guerre, comme des kidnappings, des exécutions sommaires et des tortures. Moqtada al-Sadr ajoutait même qu'il craignait des tensions entre communautés après que l'organisation de l'EI a été vaincue. Car le problème politique irakien reste entier. Il y a un fossé entre les communautés. Moqtada al-Sadr suggère qu'il pourrait faire partie de la solution. Ainsi, s'il venait à arriver au pouvoir, l'ennemi historique des Américains pourrait paradoxalement compliquer sérieusement l'après-conflit syrien et la reconstitution de l'arc chiite. (A suivre)