Des avocats et défenseurs des droits de l'homme tirent la sonnette d'alarme sur la situation des libertés qui prévaut dans le pays. Arrestations arbitraires», «une mesure exceptionnelle qui devient la règle», «des détentions injustes et injustifiées», «des procédures légales piétinées», «une justice d'exception»… Des avocats et défenseurs des droits de l'homme tirent la sonnette d'alarme sur la situation des libertés qui prévaut dans le pays. S'exprimant lors d'une conférence de presse organisée, hier au siège de SOS Disparus, par la LADDH, six avocats, membres du collectif de défense des détenus d'opinion et de détenus politiques attirent l'attention de l'opinion publique sur la gravité du contexte actuel, caractérisé par la multiplication des arrestations et des détentions des manifestants et des militants politiques et associatifs. Il s'agit de Noureddine Benissad, président de la LADDH, de Mustapha Bouchachi, Abdelghani Badi, Noureddine Ahmine, Nabila Smail et Aïssa Rahmoune. Très présents dans les tribunaux du pays où ils se constituent, en compagnie de plusieurs de leurs collègues, pour défendre les victimes du pouvoir en place, les conférenciers dressent une série de violations des procédures légales et interpellent les juges. «Je voudrais rappeler à nos frères les juges qu'ils doivent assumer leur responsabilité historique. Ils doivent respecter seulement la loi», lance Mustapha Bouchachi, qui se montre dépité par ce qui se passe depuis plus de trois mois. Selon lui, les arrestations des militants et activistes du mouvement populaire et leur détention sont faits en «flagrantes violations des lois». «Comment arrêter des jeunes pour ‘‘incitation à attroupement'' alors que des millions d'Algériens marchent depuis le 22 février dernier ? Comment ceux qu'on appelle les membres de la bande sont convoqués selon une procédure ordinaire par la justice, alors que des militants sont arrêtés par des agents en civil dans des cafés ? Des familles restaient sans nouvelles de leurs proches pendant plusieurs heures en contradiction avec la loi. Il y a une grave violation du code de procédure pénale», condamne-t-il. Sidi M'hamed : «un tribunal d'exception» Mustapha Bouchachi affirme aussi que «les juges ayant ordonné le placement sous mandat de dépôt de tous ces détenus ont aussi violé les procédures». «L'application des articles 76, 79 et 96 du code pénal pour charger les détenus constitue aussi une violation de la loi et de l'article 1er du même code. Toutes ces poursuites sont contraires aux principes de l'Etat de droit», souligne-t-il. Rappelant les engagements internationaux de l'Algérie, signataire des pactes et conventions relatifs aux droits de l'homme, Noureddine Benissad relève, pour sa part, «le non-respect de la présomption d'innocence dans ces affaires». «Le code pénal a été amendé, en 2006, pour limiter le recours à la détention provisoire. Mais on a l'impression que nous sommes face à une justice à deux vitesses. Alors que dans d'autres wilayas, les personnes arrêtées pour les mêmes faits ont été libérées, à Alger elles sont toujours maintenues en détention», regrette-t-il, rappelant que la LADDH n'a pas cessé d'appeler, depuis plus de 20 ans, à l'amendement des articles de loi liberticides datant de l'époque du parti unique. Dans ce sens, Nabila Smail s'interroge sur ce qui se passe au tribunal de Sidi M'hamed d'Alger. «A croire que nous sommes face à un tribunal d'exception. Nous n'avons jamais connu une telle situation, où on arrête des gens avant de chercher l'accusation. Nous n'avons pas le droit de nous taire sur cette situation. Les avocats doivent boycotter toutes les séances», appelle-t-elle, avant de s'adresser aux juges pour leur dire : «Prenez vos responsabilités devant l'histoire !» Abondant dans le même sens, Abdelghani Badi se pose la question de savoir ce qui se passe «au niveau de la justice et des services de sécurité». «Nous sommes dans une situation similaire aux cours de sûreté de l'Etat des années 1980 et des tribunaux spéciaux des années 1990», déplore-t-il, précisant que les mandats de dépôt massifs prononcés par les juges «sont injustifiés». «Il y a abus d'utilisation de cette sentence», soutient, de son côté, Noureddine Ahmine, ajoutant que la situation «est très grave». «Le peuple est sorti pour réclamer un Etat de droit. Sept mois après, ce sont tous les principes du droit qui sont violés», dit-il. Rappelant les multiples alertes lancées par les défenseurs des droits de l'homme depuis des années, Aïssa Rahmoune estime que la situation «actuelle a permis de découvrir la nature du régime, ses lois et ses substrats».