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Détenus de Ghardaïa : Les avocats redoutent une issue dramatique
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Publié dans El Watan le 08 - 02 - 2017

Les avocats des détenus dénoncent une instruction «totalement à charge» et le «non-respect du code de procédure pénale». Ils s'élèvent contre une «punition collective» et exigent la fin de la détention provisoire qui ne sied pas au cas de leurs clients.
Il ne leur reste que leur corps pour se défendre contre une longue et interminable détention provisoire qui dure depuis 18 mois. Les détenus de la vallée du M'zab répartis dans les prisons de Ghardaïa et d'El Ménéa poursuivent leur grève de la faim au péril de leur vie. Ils livrent dans la douleur un combat pour dénoncer leur arrestation «arbitraire», dans l'espoir de mettre un terme à leur calvaire carcéral.
Déclenchée par le docteur Kamel Eddine Fekhar il y a 36 jours maintenant, lequel gît à l'hôpital de Laghouat depuis le 22 janvier passé en raison de la dégradation de sa santé, d'autres détenus ont rejoint à leur tour le mouvement de grève, alors que certains d'entre eux, âgés, souffrent de maladies. Le détenu Saïd Boulenaâche (65 ans), diabétique, a été transféré à l'hôpital des suites de graves souffrances. Leurs avocats, inquiets, lancent un cri d'alarme et mettent en garde les autorités judiciaires et politiques contre une issue dramatique pour les grévistes de la faim. «Nous lançons un appel aux autorités politiques du pays d'agir avant que le drame n'arrive.
Ne laissez pas les détenus crever en prison !» interpelle Me Dabouz lors d'une conférence de presse avec son collègue Noureddine Ahmine, tenue hier au siège du MDS, seul parti politique qui exprime un soutien franc aux détenus de la vallée du M'zab et qui réclame leur libération sans condition. «Il faut libérer immédiatement tous les détenus emprisonnés en raison de leurs opinions sur les événements de Ghardaïa. Nous sommes en présence de personnes poursuivies sur aucune base fondée.
Aucune partie n'a déposé de plainte contre eux, ils ont été arrêtés sur instruction des services de sécurité. C'est une atteinte aux droits de l'homme. S'ils ne sont pas libérés rapidement, nous nous dirigeons inévitablement vers une catastrophe et, à ce moment là, le pouvoir fera face à des situations extrêmement complexes et inextricables», prévient-il encore. Placés en détention provisoire quelques jours seulement après les tragiques événements de Guerrarra qui ont fait 22 morts en juillet 2015, les détenus ont été arrêtés loin du théâtre des événements.
Les interpellations ont eu lieu en partie dans des mosquées à Kseur de Ghardaïa en pleine prière, ciblant essentiellement des citoyens connus pour leur engagement politique et dans la lutte pour les droits de l'homme. Kamel Eddine Fekhar, ancien président de la section locale de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, ex-cadre dirigeant du FFS, connu pour ses opinions tranchées et ses prises de position radicales qui donnent du fil à retorde aux autorités locales et nationales, est devenu l'homme à abattre.
Procès politique
Avant son arrestation, il a été désigné d'abord par les autorités politiques comme «le fauteur de troubles». Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le chef de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, l'ont nommément tenu pour responsable des violences qui ont secoué la vallée du M'zab. Le tribunal politico-médiatique l'a jugé et condamné avant la justice.
Ce qui fait dire à l'avocat Noureddine Ahmine que «les détenus sont victimes d'arrestations arbitraires et victimes de punition collective, car il est impensable de poursuivre 60 personnes pour les mêmes chefs d'inculpation». Dix-huit chefs d'accusation pèsent sur eux. Cela va de l'«atteinte à la sûreté de l'Etat» à la «menace de l'unité nationale» en passant par l'«incitation à la haine, à la violence», à renverser le système politique.
Des griefs qui conduisent à la peine capitale. Me Ahmine, qui estime excessives et infondées ces accusations, rappelle que la détention provisoire est «l'exception et non la règle, et dans le cas qui concerne les détenus de Ghardaïa, elle n'est pas fondée dès lors que les détenus ne présentent aucun danger, aucune menace et qu'ils n'ont pas fui la justice.
Ils doivent comparaître en prévenus libres comme le stipule la loi. Leur maintien en détention est arbitraire». Il dénonce le «non-respect du code de procédure pénale» et «une instruction totalement à charge». Ce dont justement le détenu Kamel Eddine Fekhar s'élève vigoureusement. Il a saisi le procureur pour entendre des responsables politiques, cités comme ayant un rapport avec les événements de Ghardaïa, à propos de leurs déclarations publiques.
«Ahmed Ouyahia a déclaré publiquement savoir qui finance les fauteurs de troubles, et Amar Saadani, en tant que secrétaire général du FLN, a ouvertement accusé l'ex-patron des Services de renseignement, le général Toufik, d'être l'instigateur des événements du M'zab. Le juge d'instruction doit les entendre», plaident les avocats. «La défense demande à l'instruction d'entendre les hauts responsables cités dans cette affaire et le juge d'instruction a les moyens de le faire», précise Me Ahmine.
Par ailleurs, Salah Dabouz, qui rend des visites régulières aux détenus, dénonce des conditions de détentions «insoutenables». «Dans le parloir, j'entends des cris de détenus, battus, les gardiens de prison interdisent à mes clients d'échanger en mozabite, ils subissent des pressions psychologiques, alors que les soins qui leur sont prodigués sont rudimentaires.» Visiblement remonté, Me Dabouz dénonce une «ségrégation infligée aux détenus en mentionnant leur rite ibadite sur les procès-verbaux de police lors de leurs arrestations».
Cependant, l'avocat se réjouit de la campagne de solidarité – certes timide – qui se met en place en Algérie et à l'étranger en faveur des prisonniers, alors que leurs épouses observent depuis quelques jours le jeûne en signe de colère. L'avocat n'a pas manqué de souligner le silence assourdissant de la classe politique, des élites intellectuelles et des défenseurs des droits de l'homme face à une tragédie humaine qui se joue dans le huis clos carcéral.


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