Outre l'opinion publique qui a exprimé son indignation à travers des rassemblements et marches organisés dans plusieurs villes du pays, la classe politique et les personnalités nationales sont aussi très critiques à l'égard de ce projet. Rejet unanime et polémique ! Le projet de loi sur les hydrocarbures, adopté dimanche dernier par le Conseil des ministres, est rejeté unanimement avant même sa présentation devant l'Assemblée nationale populaire (APN). Une première en Algérie. Outre l'opinion publique qui a exprimé son indignation à travers des rassemblements et marches organisés dans plusieurs villes du pays, la classe politique et les personnalités nationales sont aussi très critiques à l'égard de ce projet. Même des formations politiques réputées pour leur proximité avec le pouvoir se montrent dubitatives. En effet, les réactions ne se sont pas fait attendre. Et bien avant l'annonce de l'adoption du projet élaboré par le gouvernement Bedoui. Le premier parti ayant réagi à ce texte est le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui a rappelé, dans un communiqué, la position exprimée par les forces de l'Alternative démocratique à ce sujet. «Pour le RCD, seul un pouvoir fort de la légitimité populaire pourra réviser la gestion du secteur de l'énergie. Le secteur des hydrocarbures comme les autres richesses du pays ne peuvent plus servir pour l'achat de soutiens étrangers dans la nouvelle Algérie dessinée par la mobilisation de ses enfants. C'est à un nouveau pouvoir issu de la rupture avec le système par le biais d'une transition démocratique que revient la charge de définir le rôle de ce secteur dans le cadre d'une politique de développent du pays», lit-on dans le document. Poursuivant, le parti de Mohcine Belabbas dénonce «les orientations antinationales du pouvoir de fait» et appelle «au retrait pur et simple de ce projet, sorti des laboratoires des multinationales». «Le RCD appelle les Algériens à poursuivre la mobilisation pacifique sous toutes les formes que se donnent les populations. L'Algérie de demain est plus que jamais à la portée de notre peuple», ajoute-t-on dans ce document. Rompant le silence qu'il s'est imposé depuis l'officialisation de son engagement dans la prochaine course présidentielle, le président du parti Talaie El Hourriyet, Ali Benflis, dénonce à son tour la décision du pouvoir actuel. «Inconcevable !» «Ma position sur le sujet et le dossier des hydrocarbures n'est ni conjoncturelle ni de circonstance. Elle est constante, et c'est la cause de mes divergences avec le président Bouteflika en 2003», précise-t-il dans un communiqué publié sur sa page Facebook. Selon lui, l'ouverture du dossier des hydrocarbures ne doit pas être faite «sans un dialogue approfondi et une vaste consultation de toutes les dynamiques de la société». «Il est inconcevable dans cette situation particulière, caractérisée par l'illégitimité des institutions, en particulier du gouvernement et du Parlement, d'agir sur le sort des richesses de l'Algérie», écrit-il. L'ancien diplomate, Abdelaziz Rahabi, estime, lui aussi, inconcevable «qu'un gouvernement de gestion des affaires courantes, rejeté par le peuple, tranche sur des dossiers importants dans la situation actuelle». L'ancien ministre rappelle, sur sa page Facebook, que le projet de loi sur les hydrocarbures «a été conçu en 2002 par Robert W Pleasant, expert américain, avant d'être adopté par le Parlement en 2004». «Je ne comprends pas pourquoi le pouvoir tente de séduire le peuple pour voter et le méprise sur des questions fondamentales», s'interroge-t-il. Pour la première fois, les partis proches du pouvoir critiquent aussi ouvertement ce projet. Le RND et le FLN émettent, en effet, des réserves sur la manière avec laquelle ce texte a été finalisé. «Il s'agit de la principale ressource de l'économie, qui couvre l'essentiel des besoins du pays. Rien ne justifie l'application de ce texte dans l'immédiat. Il échoit au Président élu d'ouvrir le débat sur le dossier des hydrocarbures et la diversification de l'économie et auquel participeront les experts dans l'énergie et des spécialistes dans tous les domaines économiques et de l'investissement», souligne le RND dans un communiqué rendu public. Selon cette formation, «tel qu'il a été adopté, ce projet ligote le futur Président». «Les lois d'une telle importance et leurs retombées sur l'opinion, en ce qu'elles charrient comme lectures et craintes, imposent un débat national pour dissiper tout malentendu et opacité, car il est lié à la souveraineté économique», ajoute ce parti. De son côté, la direction du FLN annonce la tenue d'une réunion de son groupe parlementaire pour débattre du contenu de ce projet et de celui de la loi de finances 2020. «Il n'y a aucun doute que le comportement des députés du groupe parlementaire du parti sera responsable, en ligne avec les aspirations des citoyens qui les ont élus et dans le cadre de l'intérêt national suprême, que le FLN s'est engagé, en toutes circonstances, à faire passer avant tous les calculs partisans ou intérêts personnels», indique la direction de l'ex-parti unique. Et au sénateur du parti, Abdelouahab Benzaim de lâcher : «On a demandé le report du projet de loi, on n'a pas été écoutés.» Le groupe parlementaire des Indépendants, pour sa part, affirme avoir demandé au Premier ministre de reporter l'examen de ce projet.