Il ne se passe pas une année sans que les travailleurs de l'entreprise de fabrication légère et d'aluminium (EPLA), unité de l'Algérienne des réalisations et constructions du centre (Alrecc), ne se plaignent de non payement des salaires. Les ouvriers attendent leur rémunération depuis quatre mois. En grève depuis dimanche dernier, ils se rassemblent chaque matin devant le siège de leur unité de production. Sur le portail, des banderoles, à travers lesquelles les travailleurs expriment leur désarroi, sont accrochées. Depuis février 2015, les travailleurs décrivent la même situation, caractérisée par l'insuffisance de trésorerie, induite, entre autres, par le non recouvrement des créances du fait des prestations pour les clients de l'unité, dont des entreprises du secteur du bâtiment et des établissements publics, ce qui a compliqué davantage les affaires de l'unité. Pas seulement cela. Car pour le secrétaire général de la section syndicale de l'unité, affiliée à l'Ugta, rencontré sur les lieux, les déboires de la société «Alrecc ont commencé en 2014. L'entreprise vit des difficultés financières depuis sa reprise de deux autres entités en 2014 qui étaient endettées à l'époque. Ces derrières étaient déficitaires et cumulaient des dettes faramineuses au moment de leur reprise par Alrecc. C'est un véritable fardeau». Chaque travailleur va de son diagnostic sur la santé financière de leur établissement économique. Certains d'entre eux suspectent «une volonté de liquidation et de mise à mort de leur outil de travail» ou sa «privatisation». Alors que pour d'autres ouvriers, «l'unité a été mise volontairement en difficulté, car il y aurait des parties qui convoitent l'assiette de terrain de cette unité bien située en ville». Les responsables de la section syndicale pensent qu'il est plus judicieux pour la direction générale de l'entreprise «d'examiner le dossier d'assainissement de l'entreprise qui propose entre autres une nouvelle restructuration qui va rapprocher la société de l'ancien fonctionnement avec plus de souplesse et de décentralisation et moins de bureaucratie». «Le dossier d'assainissement a été déposé il y a au moins deux ans mais rien n'est fait à ce jour», regrettent-ils. Les 44 travailleurs de l'EPLA-Béjaïa ont protesté pour le versement de quatre mois de salaires dans l'urgence afin de subvenir aux besoins de leurs familles en cette période hivernale. Proposition du DG Il y a dix mois, c'est-à-dire au mois de février dernier, la même unité a connu un mouvement de débrayage pour dénoncer les mêmes conditions de travail sans que les responsables ne répondent à la détresse de ces pères de familles. «Nous sommes obligés à chaque fois de recourir à la grève pour percevoir au moins 1 ou 2 salaires sur trois», ajoute le secrétaire général de la section syndicale. Le dossier des contractuels est également à la traîne. Pas moins de 9 contractuels ont engagé une action en justice pour bénéficier d'un contrat CDI, suivant la même procédure que leurs anciens collègues. Depuis le début de l'année en cours, aucun plan de charge n'a été confié à l'unité de Béjaïa par la direction nationale, affirme-t-on. Les soumissions à moins de 3 millions de dinars ont été obtenues par la direction de l'unité, qui n'a pas reçu l'autorisation de la centrale à signer les marchés malgré la réglementation qui lui permet cet acte de gestion, précise-t-on. Malgré l'obtention de quelques marchés auprès de la Société nationale de transport, l'unité souffre de problèmes d'approvisionnement que gère la société mère en l'absence de financement. Le peu d'argent qui provient de la direction générale de l'Alrecc est destiné au payement, de manière «irrégulière», des salaires des travailleurs. Ces derniers déplorent, entre autres, la dégradation des conditions de travail sur les plans de l'hygiène et de sécurité, affirmant qu'ils exécutent leurs tâches sans équipements de protection sur des machines vieilles de plus de trente ans, car les nouveaux équipements n'ont jamais été mis en marche. Hier, au deuxième jour de grève, le directeur général de l'EPLA s'est déplacé à l'unité de Béjaïa pour rechercher des solutions avec les travailleurs. Le DG a proposé, selon nos informations, «le versement d'un mois de salaire comptant pour les 4 derniers mois et 50% du salaire du mois de mars dernier». La proposition n'a pas fait l'unanimité chez les travailleurs qui campent sur leur position jusqu'à la satisfaction d'un maximum de revendications. Le manque de liquidités a contraint l'employeur à suspendre le versement des cotisations auprès de la Caisse nationale des congés payés et du chômage intempéries des secteurs du BTPH (Cacobatph). L'assureur, qui a automatiquement bloqué le compte de l'EPLA, fait que les ouvriers sont privés également du remboursement des congés d'intempéries, selon le SG du syndicat. Une autre rencontre se tiendra aujourd'hui, à Alger, entre la section syndicale et les responsables pour trouver un compromis.