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L'Afrique devra peser par une vision claire de sa place dans le monde Aminata Dramane Traoré. Ecrivaine, altermondialiste et coordinatrice du Forum pour un autre Mali
Cinquante après les indépendances, l'Afrique retombe, selon vos termes, dans une « nouvelle colonisation » : la mondialisation néolibérale. Ne voyez-vous pas là une sorte de fatalisme ? Ou du moins, un malheur structurel ? Cela veut-il dire que nous, Africains, n'avons pas tiré les bonnes leçons ? Loin d'être fataliste, je suis une femme africaine qui participe à la déconstruction des thèses dominantes et misérabilistes sur le continent noir. Puisque je me veux lucide et conséquente avec moi-même, je m'investis sur le terrain dans des actions de transformation économiques, sociales et politiques qui traduisent ma foi en l'avenir. Les quelques processus politiques positifs en Afrique (élections au Ghana notamment) sont-ils un signe sérieux d'une réelle amélioration de la démocratie en Afrique ? Au fond, par quoi juge-t-on la nature démocratique d'un régime ? Par la volonté et la capacité de la classe dirigeante à répondre effectivement aux attentes des citoyens et des citoyennes ou au satisfecit des grandes puissances ? Le continent est à feu et à sang au nom de la régularité et de la transparence des urnes dans le cadre d'élections totalement déconnectées des réalités sociales et économiques. Le Ghana libéral qui « gagne » est-il le pays dont rêvait Kwame Nkrumah ? J'en doute. Le sommet Afrique-France vient d'avoir lieu à Nice, êtes-vous convaincue par le discours du président français qui, dans les apparences, voudrait en finir avec la « vieille Françafrique » ? La coopération décomplexée de Nicolas Sarkozy est un écran de fumée qui tente de jeter le voile sur ce que nous ne savons que trop : la politique des intérêts de la France en Afrique. 25% des membres de l'Assemblée générale des Nations unies sont africains et pas un seul pays africain n'est membre permanent du Conseil de sécurité, quelle est donc la vraie place du continent dans l'échiquier mondial ? Quelle serait la part de notre propre responsabilité dans cette marginalisation ? Ce déséquilibre n'a rien de surprenant. Il est le parfait reflet de l'ordre injuste du monde où une poignée de nations estime avoir le monopole du droit, de la démocratie et de la gouvernance. Au-delà du Conseil de sécurité, c'est l'architecture des institutions de l'après-guerre qui est à revoir de fond en comble. L'Afrique devra peser au Conseil de sécurité par une vision claire de sa place dans le monde et la volonté politique de la défendre sans céder aux pressions extérieures. On évoque la création, via l'Union africaine, d'un « gouvernement africain », est-ce une utopie de dirigeants ou une réelle ambition partagée par les peuples du continent ? Il est évident que des micro-Etats qui négocient individuellement, et rien qu'en fonction de leurs intérêts, soient vulnérables. Les peuples d'Afrique qui ne savent plus à quel saint se vouer ne demandent pas mieux que de se fier, dans notre monde incertain et violent, à des dirigeants politiques solidaires et capables de parler d'une même voix. Cela n'exclut pas les conflits d'intérêt et les contradictions. Mais ils doivent pouvoir les surmonter si le continent doit devenir une force de proposition et de changement à la dimension des défis économiques, sociaux, culturels et climatiques qui nous interpellent. Une dernière question, actualité sportive continentale oblige, suivez-vous le Mondial et quelle serait votre équipe favorite ? Je ne suis pas une passionnée du ballon rond, l'un des sports les plus pervertis par l'argent. Je vais néanmoins suivre le Mondial en signe de solidarité avec nos équipes en souhaitant que la coupe reste en Afrique.