Gdansk. Les chantiers navals. Solidarnosc. Ce sont aujourd'hui les trois symboles de la Pologne affranchie du joug soviétique. Leur évocation rappelle à tout le peuple polonais la révolution anticommuniste enclenchée en 1980 et la répression féroce du mouvement ouvrier de Gdansk en 1981. Elle rappelle, surtout, la victoire, après dix ans de lutte, sur le communisme. De notre envoyé spécial à Gdansk (nord de la Pologne) Vingt ans après la fin de ce régime, les Gdanskis exhibent avec fierté la victoire contre le régime totalitaire. Sise à 350 km au nord de la capitale Varsovie, la ville de Gdansk entretient toujours la flamme de la liberté. Si la page est tournée, l'histoire de la révolution est transmise de génération en génération. Tout est mis en place pour permettre au visiteur d'emprunter encore une fois le « chemin vers la liberté » parcouru par les Polonais. Ce n'était pas un « chahut de gamins ». La révolution est menée avec ténacité. Le résultat a bien suivi. Le régime communiste n'est aujourd'hui qu'une sombre page de l'histoire polonaise. Le pays a déjà parcouru un long chemin vers le développement. Le visiteur peut revivre encore ces moments forts de la lutte du mouvement ouvrier polonais. Nous l'avons vérifié en visitant le musée de la ville. Implanté à l'entrée du chantier naval, il retrace pratiquement toute l'histoire du syndicat Solidarnosc qui déclencha la fameuse grève du 14 août 1980. A l'entrée du musée, on y voit d'emblée un tank qui symbolise la répression féroce du mouvement ouvrier par la milice du régime communiste, en 1981. Plusieurs travailleurs qui participaient à la protestation dans la ville ont été assassinés. Une stèle commémorative a été érigée à leur mémoire, à l'entrée de leurs chantiers. Lech Walesa et Anna Walentynowicz En s'engouffrant à l'intérieur de la bâtisse, le visiteur effectue un véritable voyage dans le temps. Il se retrouve au début des années 1980. « Ce musée représente notre chemin vers la liberté », nous déclare Bavlova Treder, enseignante à l'époque, qui nous a guidés lors de notre visite au musée. Première halte devant le coin représentant la situation socioéconomique de la Pologne avant le début de la révolution. L'époque des pénuries et du rationnement de la nourriture est bien représentée. « La nourriture était rare. Les gens étaient obligés de saisir les occasions en achetant des quantités importantes à chaque fois qu'ils tombaient sur des marchandises. Moi-même, j'ai fait cela. Tout le monde se renseignait sur les lieux où on pouvait s'approvisionner », affirme notre guide, en nous montrant une représentation d'une femme de l'époque portant des sacs et des dizaines de rouleaux de papier toilette. A droite, on voit une boutique, dont les étals sont presque vides. Il n'y avait que quelques œufs et des boîtes de conserve. A droite toujours et dans une autre salle, on y a installé une cellule où furent emprisonnés les leaders du mouvement Solidarnosc. Elle rappelle l'affreux traitement réservé aux syndicalistes qui se sont soulevés contre la politique du parti communiste au pouvoir à l'époque. En face de la cellule en question, on y voit aussi la fameuse salle « Hygiène et Sécurité du travail », où furent signés les accords de Gdansk le 31 août 1980. Les nouvelles technologies sont aussi exploitées pour montrer, surtout aux étrangers, la grandeur de Solidarnosc et la chronologie des événements qui se sont succédé jusqu'à la chute du communisme en Pologne en 1989. Une installation audiovisuelle relate tout le parcours du mouvement ouvrier. « Durant l'état de siège imposé par le pouvoir en 1981, 178 personnes, dont la plupart sont des ouvriers du chantier naval, ont été tuées et 1131 autres ont été internées. » Pour entretenir encore l'histoire de Solidarnosc, un centre européen de solidarité a été créé en 2007. Implanté également à quelques mètres du chantier naval, ce centre a pour rôle, selon sa directrice chargée des affaires d'éducation, culture et science, Patrycja Medowska, la sauvegarde de la mémoire de Solidarnosc pour la transmettre aux futures générations. « Nous avons organisé beaucoup d'activités visant à faire connaître l'histoire de la Solidarnosc et son impact sur la région », explique-t-elle. C'est ainsi que les responsables de la municipalité de Gdansk veulent rapprocher les nouvelles générations du passé honorable de la ville. Ils ne veulent surtout pas que la lutte de Lech Walesa et d'Anna Walentynowicz, à l'origine de la révolte des ouvriers – Anna Walentynowicz ayant été licenciée, les travailleurs avaient exigé sa réintégration –, soit oubliée. La municipalité semble avoir senti le danger. Car après deux décennies, la ville fait sa mue. Sur le plan économique bien sûr. Les chantiers navals qui étaient au centre de tous les enjeux du temps du communisme périclitent aujourd'hui. Il ne reste presque rien de l'industrie lourde qui a beaucoup reculé au profit du high-tech (électronique, télécoms). Le tourisme est en plein boom. L'église Sainte-Brigitte qui s'impose au centre de la ville, les vieux hôtels et ce qui reste de l'ancienne architecture sont devenus les destinations préférées des nombreux touristes. Gdansk a tourné la page, sans toutefois renier son passé…