Aujourd'hui je vais laisser cheikh Saâdane se reposer un peu, lui et ses guerriers. Le temps pour Raouraoua de dénicher un bon technicien étranger en Afrique du Sud. Si Rabah pourrait également, la tête reposée, revenir à de meilleurs sentiments, en se retirant en toute sportivité. Parlons donc démocratie et football ou inversement football et démocratie ; un peu comme « Pétrole et démocratie » de Réda Malek et « Culture et démocratie » de Saïd Sadi. La comparaison s'arrête là. Sur proposition lumineuse d'un collègue très politisé, j'ai décidé de vous saouler par ce constat aussi surprenant mais ô combien logique de cette Coupe du monde sud-africaine : pratiquement toutes les sélections qualifiées au deuxième tour sont issues des pays démocratiques. Et a contrario, toutes les équipes éliminées, à quelques exceptions près, sont celles des pays politiquement arriérés ! Oui, c'est une réalité incroyablement frappante. Qui aurait cru, en effet, qu'un succès sportif d'une nation pouvait être à ce point lié, presque automatiquement, à la nature de son régime politique ! On est en plein dans la géopolitique du football de Pascal Boniface. Pour s'en convaincre, jetons un coup d'œil sur les sélections recalées au premier tour du Mondial sud-africain. On remarquera d'abord que le pays le plus fermé du monde, la Corée du Nord, en l'occurrence, est la sélection qui a eu les plus mauvais résultats. Elle a encaissé 12 buts et n'en a marqué qu'un tout petit. Les rouges de Kim Jong, sont-ils retournés précipitamment dans le bagne de Pyongyang. Leurs voisins du Sud, eux, ont passé haut la main le premier tour avec leur jeu chatoyant qui a ébloui la planète foot au même titre que les enseignes emblématiques des géants industriels de Séoul qui ornent les stades sud-africains. Politiquement, entre Séoul et Pyongyang, c'est le jour et la nuit ! Mais c'est assurément en Afrique que le football et la démocratie ne font vraiment pas bon ménage. Ou le contraire. Tenez, cinq sur les six sélections qualifiées ont été éliminées au premier tour et pour la première fois sur le sol africain ! Vous allez me dire que je vois la politique partout. Mais les chiffres et les maux sont là : les équipes de la Côte d'Ivoire, du Cameroun, du Nigeria et de l'Algérie et même de l'Afrique du Sud, ont connu des frictions plus ou moins audibles qui se sont soldés par le limogeage de sélectionneurs avant ou après la compétition. Ce sont les seules sélections où l'on parle encore des histoires de primes, de joueurs parachutés ou de préparation bâclée. Même avec des techniciens « importés » d'Europe, ces équipes peinent à intérioriser les règles de « bonne gouvernance » sportive. Le fameux Nepad est un échec cuisant en la matière. C'est peut-être un signe que la démocratie n'est pas soluble en Afrique. Du moins à l'état actuel des choses. La Côte d'Ivoire, le Nigeria, le Cameroun et bien sûr l'Algérie, étant loin d'être des modèles de démocratie, leur football en souffre forcément. La performance, à quelque niveau que ce soit, suppose la transparence et la méritocratie. Or, le choix des joueurs, des entraîneurs, tout comme celui des présidents et ministres dans nos pays, obéit à des critères très africains, faits de favoritisme, de népotisme, de clientélisme, de tribalisme et d'autres « ismes ». L'Afrique du Sud, qui a été honorée pour organiser ce Mondial, ne l'a été que grâce au mythe Mandela et à la minorité blanche qui rappelle aux Occidentaux que là-bas, ce n'est pas tout à fait l'Afrique. Autre argument : le Ghana, seule sélection africaine qualifiée au 2e tour, est curieusement le pays le plus avancé politiquement. Ce n'est pas fortuit que Barack Obama a choisi pour son premier voyage africain le pays de John Evans Atta Mills. C'est que, à Accra, la démocratie tourne bien depuis une dizaine d'années. Il est donc logique que les camarades de Michael Essien roulent bien le ballon sur le terrain. Faut-il rappeler que les U17 Ghanéens ont été sacrés champions du monde et contre le Brésil s'il vous plaît ! Le constat vaut également pour l'Amérique latine ou des pays politiquement ouverts comme l'Argentine, le Mexique, et désormais le Chili, gouverné par une femme, présentent des sélections qui font fureur en Afrique du Sud. Est-il besoin de signaler que tous les pays occidentaux, mis à part la France pour d'autres raisons, et la Squadra Azura vieillissante, ont réussi l'épreuve. Et les pays arabes dans tout ça ? Eh bien, ils passent leur temps en face du petit écran d'Al Jazeera Sport à suivre le b.a.-ba du foot. Mais pas les rudiments de la démocratie ! Faut-il alors chercher les raisons de l'échec ? Il y a beaucoup de choses qui ne tournent pas rond dans nos pays, y compris le ballon. Le reste n'est que du vuvuzela.