Vainqueur affaibli des dernières élections législatives du 10 novembre dernier, Pedro Sanchez a pour allié principal le parti de gauche radicale Podemos, avec lequel il va former le premier gouvernement de coalition du pays depuis la fin de la dictature franquiste en 1975. Après avoir perdu comme prévu dimanche un premier vote de confiance, faute de majorité absolue, le socialiste a remporté mardi un deuxième vote, avec une majorité relative, soit plus de «oui» que de «non», 167 députés sur 350 ont voté en sa faveur, 165 contre et 18 absentions. La différence a été marquée par l'unique député du parti «Teruel existe» contre le dépeuplement rural, qui a décidé à voter oui, en révélant avoir fait l'objet de «pressions» pour voter non. M. Sanchez a obtenu son investiture grâce à l'appui indispensable du parti séparatiste catalan ERC (Gauche républicaine de Catalogne), qui compte 13 députés, et qui s'est abstenu afin qu'il puisse l'emporter. Un accord contre lequel la droite du Parti populaire (PP) et l'extrême droite de Vox accusent le socialiste de «trahison». «Il n'y a pas d'autre option possible» qu'un gouvernement socialistes-Podemos, a déclaré M. Sanchez avant le vote. «Entre la coalition progressiste et la poursuite du blocage pour l'Espagne, j'espère que la majorité de la Chambre choisira la coalition progressiste», a-t-il ajouté. «Ce gouvernement contre l'Espagne est le plus radical de notre histoire», lui a lancé le chef du parti populaire (PP), Pablo Casado et d'ajouter : «Vous ne pouvez pas prendre ainsi les Espagnols en otages pour garantir votre investiture». «Sanchez a vendu l'Espagne en échange de son maintien au pouvoir. Tout ce que veulent les indépendantistes, Sanchez leur cède», a accusé jeudi Teodoro Garcia Egea, numéro deux du Parti populaire (droite). Négociation avec la Catalogne La reconduction de M. Sanchez doit mettre fin à huit mois de blocage. Mais avec seulement (155), 120 députés du Parti socialiste et 35 députés de Podemos, le paysage politique reste complexe. Il devra négocier d'arrache-pied avec d'autres forces le vote de toutes ses lois, et en premier lieu du budget. Empêtrée dans une instabilité politique chronique depuis 2015, la quatrième économie de la zone euro a connu deux élections législatives en 2019, en avril et novembre, remportées à chaque fois par M. Sanchez mais sans majorité absolue et quatre depuis quatre ans. Pour obtenir l'investiture de Pedro Sanchez, le PSOE a accepté de signer avec ERC un texte de «non-agression» qui reconnaît l'existence d'un «conflit politique» entre Madrid et le gouvernement autonome catalan et «le besoin d'un dialogue» entre les deux parties. Ainsi, en échange de son abstention, ERC a obtenu des socialistes la mise en place d'un processus de «négociations entre gouvernements (central et régional) et une future consultation en Catalogne sur les accords» obtenus lors de cette négociation, a indiqué le parti séparatiste dans un communiqué. Le Soutien de Podemos Selon les socialistes, ce dialogue, qui aura lieu dans le respect «de l'ordre juridique démocratique» et donc de la Constitution, a pour but de «débloquer le conflit politique sur l'avenir de la Catalogne». Riche région du nord-est de l'Espagne qui a tenté de faire sécession en 2017, la Catalogne a été secouée en octobre par des manifestations parfois violentes après la condamnation à la prison de neuf dirigeants séparatistes. Ensemble, les socialistes et Podemos ont promis un virage à gauche : hausse de la fiscalité pour les plus riches et les grandes entreprises, abrogation partielle de la réforme controversée du marché du travail adoptée en 2012 par les conservateurs, encadrement des loyers… Le chef de cette formation héritière du mouvement des Indignés, Pablo Iglesias, doit être l'un de ses vice-présidents du gouvernement et sera chargé notamment des affaires sociales. Pedro Sánchez était arrivé au pouvoir en juin 2018 grâce à une motion de censure qui avait réuni tous les partis contre le gouvernement de l'époque du conservateur Mariano Rajoy, du Parti populaire, touché par un énorme scandale de corruption.