Moins de deux jours après la visite de Mme Alliot-Marie, ministre française de la Défense, en Algérie, une quarantaine de députés de droite de l'Union de la majorité présidentielle (UMP) vient d'adresser une pétition au ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, pour protester contre l'invitation de Abdelaziz Bouteflika aux cérémonies célébrant le 60e anniversaire du débarquement en Provence qui auront lieu le 15 août prochain à Toulon. Ces députés de droite, parmi lesquels figure Alain Madelin, ancien ministre et candidat à l'Elysée, « s'indignent de cette invitation de la France qui est une insulte à la mémoire de ceux qui sont tombés pour la France et que M. Bouteflika a toujours ignorés, voire bafoués ». Ces mêmes signataires « demandent solennellement que soient faites des annonces permettant de régler des questions laissées en suspens depuis des années ». Ils citent notamment le respect des Accords d'Evian plus particulièrement, la libre circulation des harkis, la coopération sur le sort des disparus et l'ouverture complète des archives algériennes sur cette période... Jean-Marie Le Pen n'aurait pas trouvé mieux ! Ces pétitionnaires ont donc choisi de s'adresser ainsi à M. Barnier, quelques jours à peine après son retour d'Algérie et après qu'il eut qualifié les résultats de ses entretiens avec les responsables algériens de fructueux dans la perspective de la conclusion du traité d'amitié qui devrait être conclu en principe dans le courant de l'année prochaine. Ils s'inscrivent également en faux contre les propos de Mme Alliot-Marie qui lors de sa visite a rendu hommage aux milliers d'Algériens qui ont aidé la France et exprimé à l'occasion la reconnaissance de son pays aux milliers de combattants des deux Guerres mondiales. Aujourd'hui encore, on estime à 35 000 les survivants de celle de 1939-1945 et qui ont combattu dans les rangs des alliés. La réaction de ces quarante députés de droite est beaucoup plus l'expression des nostalgiques de l'Algérie à papa qui, oublieux de toutes ces considération auxquelles Mme Alliot-Marie a fait référence, remettent sur le tapis la question des harkis qui est du reste un problème franco-français dont la reconnaissance relève d'abord des autorités de Paris. L'amalgame entre ceux qui ont aidé la France dans les deux Guerres mondiales et ceux qui ont pris les armes contre leur peuple qui était il n'y a pas longtemps l'apanage exclusif de Jean-Marie Le Pen et l'extrême droite est aujourd'hui habilement entretenu par M. Madelin et ses collègues. Ces derniers n'hésitent pas à évoquer la libre circulation des harkis entre l'Algérie et la France comme un obstacle à la démarche qui consiste à tourner la page de l'histoire des deux pays comme l'a souligné d'ailleurs la ministre française de la Défense et à regarder vers l'avenir. Demander aujourd'hui aux Algériens d'oublier cet épisode qui a vu la collaboration de certains Algériens avec la puissance coloniale contre leur peuple, c'est comme si l'on demandait aux Français d'oublier que des Français ont collaboré avec l'occupant nazi durant la Seconde Guerre mondiale et dans ce cas, le procès de Maurice Papon, soixante ans après, n'aurait plus de raison d'être dans ses différentes péripéties depuis 1998... Soixante ans plus tard la France n'a pas oublié cette page de son histoire et M. Madelin et ses compagnons ne peuvent demander cela à l'Algérie à quelques jours de la commémoration du 50e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale et envers laquelle la France officielle n'a pas encore totalement assumé sa responsabilité, puisqu'il n'y a pas très longtemps, on parlait « d'événements d'Algérie » et on a encore moins reconnu le fait colonial et par voie de conséquence accompagner cela d'un acte de repentance vis-à-vis des millions d'Algériens. Mais cela est une autre affaire.