Le successeur de M. Dominique de Villepin à la tête du ministère français des Affaires étrangères, M. Michel Barnier, entame aujourd'hui sa première visite en Algérie. Connu surtout pour être un grand connaisseur des dossiers européens, M. Michel Barnier ralliera Alger, en fin d'après-midi, à partir de Bruxelles où il doit d'abord prendre part à une rencontre des ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union européenne (UE) membres de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Suivie d'une réunion avec le Conseil des affaires générales de l'UE, cette rencontre devrait permettre à M. Barnier de se mettre dans le bain africain avant son arrivée à Alger puisqu'il rencontrera à Bruxelles M. Abdou Diouf, le secrétaire général de l'OIF. Ayant inauguré son baptême du feu en tant que chef de la diplomatie française avec une visite au royaume du Maroc, il y a trois semaines, M. Michel Barnier vient officiellement à Alger avec pour mission d'approfondir le partenariat entre l'Algérie et la France. Il s'agit également pour lui d'explorer avec les autorités algériennes la poursuite du dialogue sur les questions régionales (Sahara-Occidental et intégration maghrébine) et internationales. La visite à Alger de M. Michel Barnier « permettra de définir les prochaines étapes de notre relation bilatérale, selon les axes fixés par la Déclaration d'Alger du 2 mars 2003, et de nourrir notre dialogue sur les questions régionales et internationales », a déclaré, à ce propos, le porte-parole du Quai d'Orsay lors d'un point de presse animé vendredi dernier. Et d'ajouter que celle-ci (la visite) « s'inscrit dans le prolongement de la visite que le président Chirac a effectuée le 2 mars 2003 et son déplacement du 15 avril dernier ». Plus qu'une simple prise de contact, le séjour de deux jours de M. Michel Barnier à Alger constituera donc une étape importante dans la finalisation du dossier des relations algéro-françaises. Et à ce titre, la partie algérienne doit, à l'heure actuelle, se montrer impatiente de connaître la position de l'Elysée concernant la proposition de Bouteflika plaidant pour la mise en place, parallèlement à la signature d'un traité d'amitié entre les deux pays, d'un partenariat global entre Alger et Paris, faite à l'occasion de la visite de M. Nicolas Sarkozy en juin dernier. Puisque la langue du business semble être devenue, depuis quelque temps, un des canaux préférés des Français et des Algériens, M. Michel Barnier, qui a dû se consacrer, ces derniers jours, à « potasser » à fond le dossier Algérie, aura aussi l'occasion d'apprécier les effets laissés à Alger par la dernière visite de M. Nicolas Sarkozy. Arrivé sur le tarmac de l'aéroport d'Alger avec une brochette d'importants hommes d'affaires, M. Sarkozy avait confirmé la volonté de Paris de se replacer durablement sur le marché algérien. Outre l'objectif de rafler de nouveaux grands marchés, il est apparu que le principal souci de Paris était notamment de veiller à la pérennité de ses approvisionnements en énergie. Pérennité aujourd'hui menacée par la domination exercée sur le secteur par les compagnies pétrolières américaines, chinoises, japonaises, espagnoles et italiennes. Reçu en grande pompe, M. Nicolas Sarkozy a, selon certaines sources, quelque peu déçu les attentes d'Alger qui attendait beaucoup de sa visite. Selon des dires, confirmés par des membres de sa délégation, l'offre faite par le ministre français de l'Economie concernant par exemple le dossier de la reconversion de la dette, aurait suscité un désappointement parmi ses interlocuteurs algériens, tant celle-ci est apparue « insignifiante » au regard des ambitions et des attentes des deux pays. En ce sens, nombreux sont les observateurs qui ont jugé inexplicable que la France consacre plus d'investissements directs colossaux à des pays « infréquentables » et se contente toujours de son statut de fournisseur lorsqu'il est question de l'Algérie. Certainement informé de la situation, il est donc à prévoir que M. Michel Barnier mette à profit son séjour pour mettre plus d'ordre dans les dossiers économiques intéressant les deux pays. Au-delà du problème crucial du pétrole et du gaz, la France a surtout un motif pour s'inquiéter de la présence américaine en Algérie. Décidés à faire du Maghreb un partenaire stratégique, les Etats-Unis ont engagé depuis quelques années une coopération militaire avec les pays de la région, qui commence à susciter des cauchemars aux stratèges français. Les visites régulières d'experts militaires américains dans la région et l'installation récemment d'une base américaine au Mali confirment l'idée que Washington n'exclut pas, à terme, l'éventualité d'intégrer le Maghreb dans son dispositif de défense. Cette hypothèse serait une catastrophe pour Paris, qui considère la région comme sa chasse gardée. Déjà talonnée de près par les Américains dans de nombreux pays africains, tels que le Sénégal et le Mali, réputés être ses fidèles alliés, la France paraît résolue, dans le cas du Maghreb, à défendre ses « acquis », quitte à sacrifier sa chasteté traditionnellement exprimée à l'égard de la coopération militaire avec l'Algérie. C'est ce qui expliquerait, d'ailleurs, le rush des ministres français en Algérie. Car juste après la visite de M. Michel Barnier, est attendu le retour de M. Nicolas Sarkozy et surtout l'arrivée de la ministre française de la Défense, Mme Michelle Alliot-Marie. Une première dans les relations algéro-françaises. En attendant les résultats de cette offensive diplomatique, Washington ne donne pas, pour le moment, l'impression d'être sur le point de réviser ses ambitions. L'envoi le 14 juillet prochain à Alger de sa déléguée pour l'Initiative de partenariat au Moyent-Orient (MEPI), Alina Romanowsky, prouve au contraire une volonté de sa part de gâcher la fête.