Le tribunal correctionnel de Paris a commencé à juger, depuis hier, huit islamistes radicaux présumés, dont quatre sont soupçonnés d'avoir porté assistance aux assassins du commandant Massoud, deux jours avant les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Les faits remontent au 9 septembre 2001. Deux faux journalistes tunisiens disposant de passeports belges volés et de visas falsifiés, Dahmane Abd El Sattar et Bouraoui El Ouaer, se faisaient exploser alors qu'ils interviewaient Ahmad Shah Massoud, à Khwaja Bahuddine, en Afghanistan. Le chef de l'Alliance du Nord et héros de la lutte contre les Russes d'abord puis contre les talibans a trouvé la mort ainsi que ses assassins dans l'attentat. Au début de l'entretien, l'un d'eux avait fait sauter une charge explosive dissimulée sur lui, blessant mortellement le leader militaire. Les tueurs ont été ensuite eux-mêmes abattus. La Direction de la surveillance du territoire (DST) a établi que la caméra que détenaient les deux assassins du Lion du Penshir avait été volée le 24 décembre 2000 à Grenoble dans le véhicule d'un journaliste. Les juges d'instruction antiterroristes français, Jean-Louis Bruguière et Jean-François Ricard, qui ont ordonné le renvoi des huit personnes devant le tribunal, n'enquêtaient pas directement sur la mort de Massoud, mais sur un réseau de fourniture de faux papiers dont ses assassins ont bénéficié. Grâce aux passeports retrouvés sur les faux journalistes tunisiens, les enquêteurs ont remonté la filière qui les avait aidés, estimant que « l'attentat suicide perpétré contre le commandant Ahmad Shah Massoud avait pu être mis en œuvre grâce à l'utilisation par Dahmane et El Ouaer des filières d'acheminement de volontaires pour le djihad depuis l'Europe ». Le groupe des campeurs Le juge d'instruction Jean-Louis Bruguière a d'abord établi que les deux faux passeports belges aux mains des tueurs avaient été fabriqués à partir de documents volés en 1999 à l'ambassade de Belgique à La Haye et au consulat de Strasbourg en août 2000. Il a ainsi arrêté, notamment, Youssef El Aouni, Mehrez Azouz et Abderahmane Ameroud, aujourd'hui sur le banc des prévenus et qui ont, pour certains, reconnu en partie les faits. Quatre personnes sont concernées par ce volet du dossier : Youssef El Aouni, 31 ans, Français d'origine marocaine, Adel Tebourski, 41 ans, Français d'origine tunisienne, Abderahmane Ameroud, Algérien, 27 ans, et Mehrez Azouz, Franco-Algérien, 37 ans. Le procès doit durer jusqu'à la mi-avril. L'accusation soutiendra que les suspects ont apporté un appui logistique aux deux tueurs, les Tunisiens Dahmane Abd El Sattar et Bouraoui El Ouaer, en leur fournissant faux passeports, billets d'avion, fausses accréditations et argent. Le Tunisien Adel Tebourski a, quant à lui, été mis en cause dans l'enquête sur les billets d'avion fournis aux deux tueurs de Massoud. Les juges ont aussi mis au jour d'autres aspects du dossier, notamment grâce à l'interpellation d'un Français, Ibrahim Keïta. Ce dernier a confirmé que certains des suspects avaient formé en France, avant 1998, une cellule islamiste que les enquêteurs ont baptisée « le groupe des campeurs ». Les suspects ont reconnu s'être entraînés à « la chasse à l'homme » et au maniement d'armes blanches en forêt de Fontainebleau, près de Paris, et en Normandie. Les huit suspects encourent jusqu'à dix ans de prison pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Le procès devrait durer près de trois semaines.