On le retrouvera samedi 10 au festival des Raconte-arts à Béjaïa où il expose et anime une séance de dédicaces. Noureddine Hamouche revient sur la symbolique des signes, objet de son inspiration. Dans la culture traditionnelle kabyle et berbère, c'est la femme qui peint et qui utilise les symboles. Comment êtes-vous arrivé à vouloir les retranscrire ? Justement, ma passion des débuts c'était un peu ça, les poteries que je voyais étant jeune, quand je passais mes vacances dans le village de mes arrière-grands-parents, ces techniques, cette gestuelle un peu naïve. C'était plus que de l'émotion, je me posais certaines questions. Il suffisait d'une boule d'argile pour façonner une pièce qui servira au quotidien de la femme, pour faire un couscoussier ou des assiettes. Après mes études primaires, je me rendais compte que j'étais un acharné des figures géométriques, les triangles, les zigzags. Pendant les cours de géographie et d'histoire, je gribouillais ces signes, dont je ne connaissais pas la nature. Ce que j'utilise le mieux, ce sont les supports usuels que la femme utilisait à l'époque et même encore aujourd'hui. Les planches à laver, par exemple, sont un bon exemple pour rendre hommage à la femme, qui était la première à utiliser toute cette symbologie berbère. La symbolique a un lien fort avec la femme, à l'époque elle faisait réunir la famille. La femme est l'initiatrice de cet art. Il faut tout un travail de profondeur pour la faire parler lorsqu'elle représente son amoureux en le symbolisant par une flèche et un arc. Dans votre livre Paroles de symboles, les poèmes et leur titres, écrits par votre sœur, ont une fonction interprétative importante… Ces symboles que j'ai pu répertorier ont existé et j'en ai eu la signification à travers des lectures d'un auteur français, Jean-Bernard Moreau, ainsi qu'auprès d'un père blanc qui, à l'époque, vivait en Kabylie. Il s'infiltrait dans les villages pour répertorier ces symboles « magico-berbère », comme il les appelait. Il a repris ces signes et leur a peut-être donné une signification farfelue, mais parfois juste. J'ai repris ces mêmes symboles en les stylisant. J'ai fait aussi des recherches plus approfondies. Il ne suffit pas de dire que tel symbole est celui de l'oiseau, alors que la femme qui l'a créé le lie parfois à sa vie la plus intime. Le signe qui représente la perdrix est une image de la beauté féminine, « belle comme une perdrix », dit-on en kabyle. Je ne suis ni archéologue, ni chercheur, ni historien. Je suis un amoureux du signe, c'est un patrimoine ancestral que nos vieilles mamans nous ont laissé. En les dessinant dans leur intérieur, dans les akhams, dans les akoufis, sur les poteries, les foutas, les robes, elles faisaient passer un message. C'est une forme de communication. Les femmes kabyles utilisent aussi les symboles pour faire de la sorcellerie, ehchkoren. Ces symboles ont une étroite relation avec la nature, les animaux et en règle général avec l'environnement de ces Berbères. René Char disait « notre héritage n'est précédé d'aucun testament ». De quel héritage êtes-vous dépositaire et de quel testament voulez-vous laisser ? Ces symboles que je peins sont un patrimoine, un legs de nos ancêtres, de nos mamans et cela fait partie de notre histoire. C'est un héritage qu'il faut absolument conserver et moi j'ai choisi la peinture pour transmettre cet héritage en y introduisant une touche personnelle. A l'instar du groupe Aouchem, dans les années 1970, qui, pour se démarquer de l'art socialiste, industriel, introduisait des figures berbères dans leurs œuvres. J'essaie un peu d'inculquer à cette nouvelle génération qu'on a une histoire, une très belle histoire et qu'on existe toujours, que notre existence a été conçue par des femmes et des hommes. Des femmes par rapport au travail que je fais, qui traduit aussi notre algérianité. Mes travaux peuvent faire bouger les choses pour dire qu'on est Algériens, mais qu'on a aussi notre identité à préserver. Il y a encore beaucoup de choses à développer. Il ne faut pas en rester là, il y a des gens à l'affût, d'autres personnes reprennent un peu ce que je fais avec plus de vigueur peut-être. Bio express : Ce plasticien algérois, artiste peintre et céramiste, est originaire d'Azeffoun. Il est, dès l'enfance, marqué par la symbologie berbère d'où il puise sa créativité artistique. Ancien percussionniste dans un groupe de musique, il se tourne rapidement vers la peinture. Après une formation aux Beaux-Arts de Télemly, à Alger, il commence dès les années 1980 à exposer ses œuvres, en Algérie et en Europe. En 2007, il publie son livre Paroles de symboles où ses dessins sont mis en perspective par des poèmes écrits par sa sœur.