“Ideqqi, art de femmes berbères”, est le titre d'une exposition inédite qui sera visible jusqu'au 16 septembre prochain au musée du Quai Branly à Paris. Art des femmes berbères par excellence, Ideqqi, met surtout l'accent sur une forme d'art populaire résolument authentique. Un art qui reste relativement méconnu par un certain public. Les supports de cet art ancestral sont très variés ; ils vont de la poterie, jusqu'au tissage et autres tapisseries. La poterie modelée reste, cependant un témoin aussi précieux que fragile d'un lointain passé : formes arrondies et moulées, décors incisés ou en relief - que l'on retrouve dans les pièces du néolithique-, décors peints - qui s'apparentent à ceux des vases puniques et des poteries siciliennes. L'exposition met en lumière l'originalité de ces pièces par rapport aux faïences citadines, et souligne leur ancrage africain très marqué et leur relation étroite avec l'art ancien de la Méditerranée. Avec “Ideqqi, art de femmes berbères ", il faut dire que le musée du Quai Branly met en lumière une très ancienne tradition décorative du Maghreb inscrite surtout sur pièces d'argile. Art populaire par excellence, cette tradition qui remonte au néolithique s'est conservée jusqu'à nos jours. Production féminine et rurale transmise de mère en fille, inscrite dans le tatouage, le tissage, la tapisserie, la décoration murale, le bijou et ici dans l'argile, cette forme de décoration aux motifs essentiellement géométriques est typique des cultures de la Méditerranée centrale avant l'introduction du tour. " Aujourd'hui parfaitement abstraits ", pour reprendre feu Gabriel Camps, l'un des spécialistes de la protohistoire de l'Afrique du Nord et du Sahara, la plupart des motifs " ne sont que le fruit ou plutôt le résidu d'anciennes figures progressivement desséchées par la stylisation. Pour le chercheur, " les noms imagés qui leur sont donnés (le soldat, le papillon, l'œil de l'âne...) révèlent bien leur origine figurative et permettent parfois de leur retrouver une signification primitive. (in Les Berbères. Aux marges de l'histoire, Editions Les Hespérides, 1980) . Parmi les quelque 120 pièces exposées, provenant du Maroc (Moyen Atlas, Rif), d'Algérie (Nedroma, Tlemcen, Chenoua, Kabylie) et de Tunisie, figurent trois oeuvres de la céramiste et potière Ouiza Bacha aujourd'hui établie dans le sud de la France et dont le travail interroge le geste millénaire des céramistes berbères. Cinq tirages des "Femmes algériennes 1960" de Marc Garanger complètent le parcours avec les tatouages visibles sur les photographies. Ce rendez-vous africain qui a débuté le 19 juin dernier et se poursuivra jusqu'au 16 septembre, est un véritable voyage au cœur d'un Maghreb qui, aujourd'hui avec l'exode des campagnes vers les villes et l'apparition d'une économie moderne, il devient de plus en plus difficile pour l'artisanat traditionnel de survivre. Pourtant, il existe encore, dans les zones rurales, des femmes qui continuent à pratiquer cette forme d'art, à la fois décoratif et utilitaire. La plupart de ces poteries ont été fabriquées pour un usage domestique. De la jarre pour transporter l'eau, aux barattes pour fabriquer du beurre, en passant par les pots, les plats et les pichets, les éléments exposés n'ont pas été construits que pour l'amour de l'art. Ce sont des morceaux de quotidien qui seront exposés. Afin de rendre la visite plus aisée, 140 objets sont regroupés par fonction. On trouve, également, une vitrine dédiée aux accessoires fabriqués pour les mariages, et des jouets pour les plus jeunes… Une vraie tranche de vie ! Les motifs géométriques décorant ces objets artisanaux n'ont rien d'anodin. En effet, on peut y voir des symboles protecteurs et porte-bonheur. D'une tribu à l'autre, les femmes n'utilisent pas le même genre de motifs, car toutes n'ont pas les mêmes superstitions, ni les même croyances. L'artisanat devient donc un moyen d'affirmer son identité. Au-delà de tout intérêt anthropologique, le visiteur aura aussi la joie de contempler de beaux objets. En effet, ces femmes berbères sont aussi de véritables artistes, car elles restent très libres quant au choix des couleurs et des motifs qu'elles veulent utiliser. Difficile aussi d'imaginer que ces objets de terre nécessitent un travail de titan. Modelage, séchage, polissage, dessin, cuisson, vernissage… le moindre ustensile à demandé des heures de travail !