Les professionnels de la filière marbre, pierres de construction et d'ornementation tirent la sonnette d'alarme quand à la fragilité du secteur qui recèle des atouts indéniables pour soutenir la croissance industrielle du pays et relever le niveau des exportations hors hydrocarbures, mais qui, paradoxalement, reste marginalisé et écrasé sous le poids insoutenable des importations en augmentation incessante. Le diagnostic établi depuis dimanche par l'association El Bouniane – en collaboration avec la société Batimatec et la Chambre de commerce et d'industrie, CCI Mezghena, à Alger – est pour le moins effarant. Experts nationaux et étrangers dont des partenaires italiens, fins connaisseurs du secteur algérien, se sont accordé à mettre en relief – lors du séminaire organisé du 2 au 4 février, au siège de l'Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex) – l'immense potentiel du domaine minier relatif au marbre, granit et autres pierres ornementales, ainsi que le parcours jalonné de riches expériences entamé dès le début des années 1960, au lendemain de la nationalisation du secteur minier en mai 1966. Un début prometteur pour un secteur qui a connu, durant plusieurs années, de grandes réalisations avant que celles-ci ne se désagrègent au fil des différentes restructurations et démembrement du secteur et autres pratiques de gestion inconsidérées qui ont fini par disloquer le secteur public et pousser les meilleures compétences à se mettre au ban de la filière dont ils avaient fait les beaux jours. Au fil des années, le secteur, riche d'un fort potentiel naturel, se révèle incapable de subvenir aux besoins des différents chantiers de construction, selon les professionnels membres de l'association interwilayas des professionnels des matériaux de construction El Bouniane. Plus dramatique encore, insistent ils, l'Algérie est devenue un des plus gros importateurs – notamment de marbre – avec la très peu enviable première place en Afrique et la quatrième parmi les pays méditerranéens, alors que le pays recèle d'une variété de carrières riches en potentiel et en qualité. Un potentiel en déperdition Dans une intervention consacrée au bilan et évolution de l'environnement des pierres ornementales dans le contexte international, Farouk Daiboun, retraité du secteur, actuellement expert et consultant, pointe «l'immense potentiel minier en Algérie avec une géologie variée et un potentiel minéral riche et diversifié pouvant venir en appoint au pétrole et au gaz, et devenir le fer de lance de l'industrialisation du pays, mais qui au lieu de cela pâtit d'une situation de fragilité insoutenable, caractérisée par une insuffisance de la production et un avenir incertain». Il précise que les réserves de neuf carrières seulement – parmi le large éventail de sites en Algérie – sont équivalentes aux réserves totales de la Tunisie. Cependant, précise-t-il, notre pays se place parmi les dix plus gros importateurs dans le monde, contrairement à ses voisins nord-africains mais aussi méditerranéens. Il estime que l'Algérie régresse d'année en année en matière de production, alors que des pays comme l'Egypte, la Turquie et l'Italie, par exemple, ne cessent de grignoter des parts de marché à l'export. Un constat sans appel qu'appuie l'expert italien Maurizio Martinelli, qui fait un diagnostic sans complaisance du secteur qu'il connaît depuis de longues années, ayant participé notamment à des programmes de formation en Algérie. L'expert souligne notamment «le potentiel énorme du secteur qui dispose de grandes variétés de marbre, de granit, de travertin, etc., avec une grande variété de couleurs au nord et au sud du pays, et qui occupe une position stratégique sur le pourtour méditerranéen». Il fera remarquer cependant que l'Algérie «peine à développer son secteur, en raison notamment de l'absence de plan d'exploitation, de culture de gestion d'entreprise, de manque de main-d'œuvre spécialisée, de l'inexistence d'une école de formation, l'absence de certification et le manque de régularité fiscale». L'expert italien, qui se qualifie d'ami de l'Algérie qu'il a appris à connaître au plus fort des années difficiles, estime qu'il faut impérativement «faire appel aux spécialistes pour développer le secteur et le doter de cadres dirigeants bien formés, tout en créant une base de formation solide pour coller au plus près des avancées technologiques qui voient le jour à travers le monde». Il souligne que «les richesses parfois très rares que recèle le pays sont, par exemple, vendues sous le label d'un pays voisin, l'Algérie manquant cruellement de savoir-faire en marketing et restant de ce fait inconnue en tant que pays producteur, alors que paradoxalement les industriels du monde entier sont de plus en plus à la recherche de nouveaux gisements et donc de pays producteurs et exportateurs».