La faculté de médecine algérienne a organisé récemment un concours national d'accès en 1re année résidanat pour l'année universitaire 2019/2020, dans les filières de pharmacie, de dentisterie et de médecine. Le ministère de la Santé a signé avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique une convention permettant au corps médical généraliste ayant terminé la durée de cinq années d'activité civile dans les régions du Sud algérien d'accéder à la formation post-graduée dans le cadre de l'apprentissage pour l'obtention du diplôme de DEMS, sans passer le concours de résidanat. La convention limite l'ouverture de postes budgétaires dans nos facultés de médecine. Dans pareil paysage, la chance n'est pas donnée à tous les intéressés du corps médical en activité pédagogique et qui viennent de finaliser leur cursus de formation médicale. L'accès à la formation post-graduée en sciences médicales sans passage de concours d'accès est une attribution qui n'a pas d'argument scientifique. Car les futurs retenus par élection bénéficient des postes pédagogiques au détriment de ceux qui ont été interrogés au concours, en dépit des résultats délibérés par les jurys du concours. Une décision trouble prise par nos responsables organisateurs de ce concours de résidanat 2019/2020, en espérant le remplissage des espaces de soins spécialisés par des spécialistes en santé publique pour effacer un tableau noir sur la situation, alors que les spécialistes de santé publique existent dans toutes les grandes villes, sauf que leur répartition sur le territoire national pose problème. Les temps changent, la science évolue, l'environnement médical se transforme et le ministère de l'Enseignement supérieur décide d'ouvrir une nouvelle spécialité de résidanat dans nos facultés des sciences médicales ! Cette spécialité est appelée : pharmacie clinique. Des études difficiles. Cette nouvelle spécialité à part entière nécessite de la part de nos résidents retenus au concours des sacrifices. Cela n'en vaut-il pas la peine ? La pharmacie clinique s'est renforcée suite à une réunion organisée le 26/06/2017 par les conseils pédagogiques nationaux des spécialités (de la chimie thérapeutique et clinique, la pharmacologie pharmaceutique et la toxicologie pharmaceutique). Cette réunion est intervenue également après les contestations de l'année passée des étudiants pharmaciens et la plateforme de revendications pédagogiques qu'ils ont mis en avant. L'instauration des nouveaux services hospitalo-universitaires a été discutée, argumentée et approuvée par les spécialités hospitalo-universitaires en sciences pharmaceutiques, entre autres la spécialité de chimie thérapeutique dite chimie clinique et médicale. Et selon les spécialistes du médicament, les réclamations tournent autour de la pénurie chronique des services en pharmacie dans nos CHU en Algérie. L'ouverture du résidanat en «pharmacie clinique» témoigne de notre confiance quant à la capacité des spécialités concernées «chimie thérapeutique et pharmacologie pharmaceutique» à concurrencer les activités thérapeutiques et hospitalières. Cela témoigne également de l'importance que nous accordons à la santé publique du pays et au patient. La préoccupation des hospitalo-universitaires que nous sommes est de former un pharmacien clinicien efficace et adapté aux besoins de la santé publique nationale. Les discussions scientifiques durant les débats organisés dans toutes les facultés des sciences médicales, m'ont permis d'avoir une idée globale des problèmes que pose le médicament. Ces débats ont permis de constater que les prescriptions sont parfois irrationnelles et les erreurs d'utilisation des médicaments coûtent au pays «les yeux de la tête». Ces erreurs sont à l'origine de l'hospitalisation ou de la mort de plusieurs personnes en Algérie, d'une part. D'autre part, des études ont également été réalisées afin d'évaluer les prescriptions médicamenteuses. Les résultats sont très surprenants, puisqu'il a été constaté que 28% des ordonnances comportaient des erreurs, de plus 30% des préparations administrées par voie parentérale étaient erronées. Ces chiffres ont été cités pour que l'on puisse se rendre compte des problèmes actuels liés à des prescriptions à tort et à travers et l'usage des molécules. Ce qui nous incite à réfléchir sur la situation du médicament dans notre pays qui souffre d'un manque de thérapeutes, de cadres médicaux et / ou de prescripteurs. N'oublions pas que l'enseignement de la pharmacie dans les facultés de médecine en Algérie est dispensé par des professeurs ayant souvent de hautes qualifications dans la transmission médicale et la recherche thérapeutique, mais qui sont complètement coupés de la réalité du patient, voire du système de la santé publique en générale. Le rôle de la pharmacie clinique, faut-il le rappeler, se résume en trois points : – Recueillir les informations sur le patient et la molécule thérapeutique ; – Contrôler, analyser et filtrer les prescriptions ; – Surveiller la thérapeutique. Le problème de la prescription médicamenteuse a longtemps été posé en termes de privilèges, alors que le corps pharmaceutique demande le droit de prescrire uniquement pour les pharmaciens cliniciens. Alors que nous constatons que des étudiants en graduation en médecine et sans expérience peuvent prescrire toutes sortes de médicaments. La loi fixe les compétences scientifiques requises au docteur en pharmacie pour pouvoir prescrire et limite le nombre de molécules thérapeutiques. Par conséquent, n'attendons pas que certains fassent à notre place ce que nous pouvons faire nous-mêmes hospitalo-universitaires avec notre compétence. Le ministère de l'Enseignement supérieur s'est engagé dernièrement à concrétiser dans les meilleurs délais les revendications des spécialités en sciences pharmaceutiques jugées très légitimes. En pratique, la chimie-thérapeutique, à titre d'exemple, se consomme comme un mariage d'amour entre prescripteur et patient. Au risque de déplaire aux partisans de la monogamie, je souhaiterais que le ministère de l'Enseignement supérieur participe à ce bonheur et que le témoin de ce nouveau «mariage» soit représenté par le département du ministère concerné et le conseil de déontologie médicale. Bien que la chimie-thérapeutique soit loin d'être une religion, nous sommes condamnés de vivre avec elle. Une spécialité qui s'intéresse essentiellement aux relations : structure- activité des molécules thérapeutiques. Quant aux spécialités hospitalo-universitaires en sciences pharmaceutiques dans les hôpitaux universitaires, l'opacité chronique a caractérisé leur gestion ! Autant de problématiques sur lesquelles nous sommes appelés à réfléchir. Il ne suffit pas de vouloir agir, il faut d'abord savoir dans quel sens agir. Souhaitons donc que ceux qui seront collaborateurs dans cette nouvelle spécialité aient le dynamisme et l'ouverture d'esprit nécessaire, gage de la réussite dans toutes les professions. Nos maîtres hospitalo-universitaires nous ont tracé la voie : quand tout va mal, il faut créer, il faut rendre l'inaccessible accessible, l'impossible possible. Excusez-moi si j'ai été un peu technique. Vous pourrez peut-être me reprocher d'avoir abordé un sujet sensible, inconnu pour nos confrères prescripteurs, et inexistant dans nos hôpitaux ! Devenons «acteurs de la santé publique» avant qu'il ne soit trop tard.