L e dirigeant rebelle du Soudan du Sud, Riek Machar, est redevenu, samedi à Juba, premier vice-président, conformément à un accord de paix conclu en 2018, relançant les espoirs de paix dans ce jeune pays ravagé par la guerre depuis six ans. «Je jure d'être fidèle (…) à la République du Soudan du Sud», a déclaré, lors de sa prestation de serment, M. Machar devant un parterre de diplomates et de représentants des pays voisins, dont le dirigeant du Soudan, le général Abdel Fattah Al Burhan. M. Machar a donné l'accolade et serré la main à son rival de toujours, le président Salva Kiir, avec qui il va tenter de gouverner pour la troisième fois depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011. «Je veux vous assurer que, pour le peuple du Soudan du Sud, nous allons travailler ensemble pour mettre fin à sa souffrance», a affirmé le dirigeant rebelle. Le président Salva Kiir a, quant à lui, proclamé «la fin officielle de la guerre», affirmant que la paix était désormais «irréversible», après plus d'un an d'atermoiements autour de questions cruciales. Sous pression internationale, ils se sont mis d'accord pour former un gouvernement d'union nationale, pierre angulaire de l'accord de paix conclu en septembre 2018. Salva Kiir a dissous, vendredi, son gouvernement en vue de la formation de ce nouvel exécutif. «La formation de ce gouvernement nous donne l'espoir d'un nouvel élan vers la fin de la souffrance du peuple et une voie vers une paix durable», a déclaré Riek Machar. Quatre autres vice-présidents et d'autres groupes de l'opposition feront partie d'un gouvernement qui sera notamment composé de 35 ministres. Les deux précédentes échéances pour former un gouvernement d'union n'avaient pas été respectées, des désaccords persistant sur la création d'une armée nationale unifiée, le nombre d'Etats régionaux et les garanties portant sur la sécurité de M. Machar. La récente proposition de M. Kiir de revenir à un système fédéral de 10 Etats, au lieu de 32, plus trois «zones administratives» (Ruweng, Pibor et Abyei), a contribué à débloquer la situation. M. Machar a d'abord rejeté cette concession du Président, en contestant le statut proposé de Ruweng, une région essentielle pour la production de pétrole, mais sans que cela empêche l'accord sur le gouvernement. Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki, a déclaré que Machar et Kiir ont fait preuve «de maturité politique en faisant les sacrifices et les compromis nécessaires». Plus de 380 000 morts L'accord a également été salué par des groupes de défense des droits humains, l'ONU et l'Union européenne, qui ont cependant souligné le long et difficile chemin qui reste encore à parcourir. «Il y a des défis majeurs à relever. En particulier, les dispositions transitoires de sécurité qui sont encore à un stade précoce», a déclaré l'UE dans un communiqué. De son côté, la directrice de Human Rights Watch Africa, Jehanne Henry, a exhorté le nouveau gouvernement à «établir rapidement un ordre du jour en matière des droits de l'homme». L'ONU s'est dite, quant à elle, «prête, en étroite coordination avec l'Autorité intergouvernementale pour le développement et l'Union africaine, à aider les parties à mettre en œuvre l'accord». Riek Machar vivait en exil depuis l'échec d'une précédente tentative de gouvernement d'union en 2016, brutalement interrompue par d'intenses combats entre ses troupes et celles de M. Kiir à Juba. Le président Kiir a annoncé jeudi que ses hommes seraient chargés de la sécurité de la capitale, ainsi que de celle de M. Machar. Le Soudan du Sud a sombré dans la guerre civile en décembre 2013, lorsque M. Kiir, un Dinka, a accusé M. Machar, son ex-vice-président, membre de l'ethnie nuer, de fomenter un coup d'Etat. Le conflit, marqué par des atrocités, dont des meurtres et des viols, a fait en six ans plus de 380 000 morts et provoqué une crise humanitaire catastrophique. Chassés par la guerre civile, plus de quatre millions de personnes ont fui leur foyer, dont 2,2 millions sont réfugiés ou demandeurs d'asile dans les pays voisins, selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Des experts de l'ONU ont affirmé que Kiir et Machar étaient tous deux responsables de la plupart des violences commises pendant la guerre. Dans un rapport publié cette semaine, ces experts accusent des «élites prédatrices et irresponsables» qui sont allées jusqu'à «affamer délibérément» la population civile en continuant leur guerre.