C'est avec des pneus enflammés, des troncs d'arbres sur les routes couchés, des tas de blocs de pierres, de gravats et autres objets hétéroclites, que décidément les citoyens s'expriment pour se faire entendre. Habitants des douars déshérités et des localités enclavées, ils n'ont d'autre choix pour attirer l'attention des responsables que de fermer la route, encercler le siège de leur APC ou carrément bloquer une institution, pour dénoncer l'insoutenable calvaire et la malvie auxquels ils sont, quotidiennement, durement confrontés. Ainsi, l'émeute, violente et manifeste de ces populations, reste l'unique voie, à même de pouvoir procurer du travail à une jeunesse condamnée à un chômage endémique. Mais aussi, des logements pour des familles qui vivent depuis l'Indépendance dans des gourbis, le raccordement aux réseaux de gaz, d'électricité et d'eau, le transport pour sortir de leur enclavement, le chauffage pour les écoles, la réfection des réseaux vétustes d'AEP, le goudronnage des rues ou la pose de ralentisseurs, en bref, le minimum nécessaire pour vivre dans la dignité. De la contestation des habitants du quartier populaire Boufedha, dans la commune de Aïn Oulmène à Sétif, à celle des habitants de Ouled Khabeb, ou encore la grogne des citoyens d'El Eulma dans la même wilaya, qui ont fermé la route suite aux dégâts provoqués par des pluies torrentielles, en passant par le sit-in observé par des villageois de Djaâfra à Bordj Bou Arréridj, le mécontentement se généralise. Mais encore, les émeutes deviennent récurrentes à Annaba, à Oum El Bouaghi, la manifestation chaque été des habitants d'El Oued, qui sortent pour dénoncer les coupures répétées d'énergie électrique, ceci pour n'énumérer que les faits rapportés depuis le début de ce mois de juillet et la liste est encore longue, non exhaustive et reste malheureusement ouverte. La situation prend de l'ampleur et devient très grave, tant la révolte de ces populations n'est pas prête de s'estomper, elle continuera de sourdre et ce ne sont pas les promesses à chaque fois en gros livrées et/ou plutôt assénées, car ressenties de plus en plus comme une humiliation, qui changeront quoi que ce soit à leurs conditions de vie difficiles et déplorables. Et même si les forces de l'ordre répliquent souvent par la matraque et la justice par des procès et des condamnations en série, l'émeute s'installe durablement et n'est pas près de prendre congé. Pour mesurer l'expansion de ce bouillonnement incompressible du front social, il y a lieu de se référer au dernier bilan du commandement de la région est de la gendarmerie nationale qui confirme, pour les cinq premiers mois de l'année en cours, une augmentation de la contestation de l'ordre de 60% par rapport à 2009. Ainsi, attroupements, grèves et autres atteintes à l'ordre public ont connu une recrudescence terrible présageant une explosion inévitable du front social car, à ces chiffres effrayants, s'ajoute une criminalité en augmentation permanente avec, notamment, l'allongement de la liste des trafics ; drogues, armes, cuivre… et une contrebande qui en dit long sur la manière dont l'économie et le pays sont saignés.