D'emblée, je souhaite préciser que le titre de l'article exprime plus une lassitude, un cri du cœur face au spectacle inadéquat et affligeant de nos autorités à vouloir capter les disponibilités monétaires circulant dans l'informel, et ce, en empruntant des fausses pistes, des impasses accentuant par là même le manque de crédibilité et de responsabilité. Bien que le souhait d'inclusion financière existe depuis 1980, année durant laquelle débute l'histoire de notre déficit budgétaire et du financement monétaire (planche à billets pour les non-initiés), l'intensité du souhait variait en fonction du cours du pétrole et du niveau des recettes pétrolières inscrites au budget. Il en est d'ailleurs de même pour le niveau de pression fiscale… Cette corrélation s'est accentuée à partir de 2014 au cours de laquelle le prix du pétrole a baissé, le déficit budgétaire aggravé. Pour couvrir ce déficit, on est retourné toute honte bue aux années 80-90', c'est-à-dire aux avances de la Banque centrale faisant ainsi l'impasse sur l'expérience amère et non retenue de l'intervention du Fonds monétaire international (FMI). Juste à titre de rappel, le compte courant du Trésor ouvert auprès de la Banque centrale est passé créditeur de 5 milliards de dinars en 1980 à 100 milliards de dinars en 1990, dette toujours inscrite à ce jour sur les livres de l'Institut d'émission. Ce qui indique la qualité du débiteur et de l'habitude partagée de ne pas rembourser les crédits octroyés. Pour maquiller cette pratique de financement monétaire, on lui a copié-collé le terme de financement non conventionnel utilisé lors de la crise financière de 2008 en omettant sciemment le fait que les pays occidentaux (Etats-Unis, Grande-Bretagne, UE) disposent d'un appareil productif surdimensionné et réactif capable de neutraliser toute hausse des prix pouvant résulter d'une injection massive de liquidités. Pour ces pays, l'intervention combinée du Trésor public et de la Banque centrale avait pour objectif de limiter les pertes, circonscrire le risque de contagion, éliminer ou mettre en quarantaine les organismes infectés. De plus, cette intervention était limitée dans le temps car objet de mécontentement du citoyen, du contribuable et de l'électeur. Mais cette crise financière est le fait des Banques alors que la nôtre est le fait du Trésor public, de l'Etat en sa qualité d'agent économique. Une différence de taille (au sens propre et figuré) car notre financement monétaire n'est pas adossé à un appareil productif capable d'annihiler un processus inflationniste, une érosion du pouvoir d'achat de la monnaie. Ce processus est momentanément contenu grâce aux importations entraînant une détérioration significative du solde de la balance des paiements et grâce aux subventions grevant le budget de fonctionnement et des charges communes. A ce niveau, la question primordiale est : jusqu'à quand cette dérive ? Car l'inclusion de cette monnaie considérée comme un stock ne peut financer sur une longue durée un tel flux, un tel déficit budgétaire en expansion à l'image de notre univers… En conséquence, l'hypothèse la plus favorable de l'inclusion financière n'est qu'une solution partielle et provisoire, un cautère sur une jambe de bois… en attendant le FMI auquel on laissera le soin de reprendre le cours des réformes structurelles qu'il avait initiées durant les années 90', interrompues fin 1997 suite à la reprise du cours du pétrole. Quelle calamité que ce dernier et quelle bénédiction pour la Norvège, juste à côté ! L'intervention programmée du FMI aura néanmoins l'avantage de transférer sur autrui la dureté des mesures de redressement (terme approprié), esquivant de situer les niveaux de responsabilité et consacrant l'impunité. De la banque et de l'inclusion financière De par sa nature et son code génétique, la banque fait de l'inclusion son métier. Entreprise à vocation commerciale à but lucratif, sa finalité, sa seule finalité, son unique finalité est de faire de la rentabilité quitte à prendre des risques, y compris de ne pas rembourser ses créanciers. La crise de 2008 est passée par là pour nous le rappeler. Ce qui explique la mise en place d'une réglementation prudentielle de plus en plus sophistiquée et d'une organisation institutionnelle à plusieurs niveaux chargée du contrôle. Un hommage au gouverneur de la Banque centrale de Malaisie, lequel avait expliqué qu'il ne fallait pas laisser aux singes le soin de s'occuper des bananes… En effet, pour comptabiliser des produits sur son compte de résultats, la banque doit faire des emplois, c'est-à-dire faire du crédit. Or, pour faire des emplois, il faut collecter des ressources auprès d'agents disposant de capacités de financement. Pas de ressources, pas d'emplois, pas de produits, pas de bénéfices, pas d'actionnaires, ces derniers se débinant à la recherche d'autres placements associant rentabilité et sécurité. Alors où est la fausse donne ? Elle est dans le caractère public de nos banques. Nos banques publiques appartenant aux Trésor public n'ont pas pour finalité la rentabilité ; elles assument une mission de financement des entreprises publiques en majorité déficitaires qui leur permet de se justifier de ce manque de performances. Il s'agit en fait d'organismes génétiquement modifiés que le FMI avait prévu de privatiser lors des réformes structurelles de deuxième génération programmées à partir de 1998… De plus, ce n'est pas l'Etat en sa qualité d'agent économique qui pourra donner des leçons de bonne gestion alors que lui-même est empêtré dans une qualité très médiocre de ses finances publiques au point d'entraîner toute l'économie du pays à genoux. Non seulement il est incapable de sabrer dans son budget, mais continue de le creuser. Il faut comprendre que l'Etat dispose de deux casquettes : l'Agent économique et l'Arbitre. Le rôle de ce dernier, conforté par la séparation des pouvoirs, l'Etat de droit et l'indépendance de la justice est de garantir l'égalité de traitement pour tous les agents économiques, Etat y compris. Dans le cas contraire et si l'Etat, agent économique s'approprie les attributs de l'Etat arbitre, il y a fausse donne et la confiance est rompue. «Laab h'mida, racham h'mida fi dar h'mida…» Or, cette confiance est le socle de tout l'édifice économique et du contrat social. De l'épargne et du taux d'intérêt Outre leur code génétique d'origine, les banques proposent plusieurs services pour collecter la ressource mais le déterminant attractif de l'épargne reste le taux d'intérêt. Celui-ci n'est pas le nominal, l'affiché mais le réel lequel doit intégrer le taux d'inflation, ce dernier exprimant la perte du pouvoir d'achat de la monnaie. Le taux d'intérêt proposé doit être supérieur au taux d'inflation réel (un taux correctement appréhendé, différemment de celui des élections…) pour être attractif à l'épargnant. Or, les taux d'intérêt proposés sont inférieurs aux taux d'inflation. A ces conditions, il vaut mieux emprunter que prêter ses disponibilités. C'est enseigné aux élèves de première année de brevet bancaire. Or, si les banques rémunéraient l'épargne au juste prix, elles seraient obligées de répercuter le coût de cette ressource sur le coût du crédit. Après tout, la banque n'est qu'un intermédiaire, en conséquence cette hausse du taux d'intérêt va aggraver le déficit des entreprises publiques et donc du déficit budgétaire. Les banques ne seront pas en reste puisqu'elles vont solliciter l'institut d'émission pour leur refinancement au risque d'une crise d'illiquidités… s'accompagnant d'un accroissement de la masse monétaire déjà hypertrophiée… La hausse du taux d'intérêt, outre son effet attractif sur l'épargne et l'inclusion, est aussi bénéfique pour la résorption du déficit de la balance des paiements. En effet, cette hausse s'accompagne d'un renchérissement du coût du crédit provoquant une baisse de la demande de crédit. Le crédit étant un pouvoir d'achat, la demande de biens et services va baisser, entraînant une diminution des importations de biens et services et par conséquent une baisse des sorties de capitaux. De quoi allonger quelque peu la durée de vie de nos réserves de change, sans pour autant se leurrer, s'agissant d'un simple sursis. Aussi, l'arbitrage opéré a privilégié le fait de ne pas aggraver le déficit budgétaire et celui des entreprises publiques aux dépens de l'inclusion financière et de l'équilibre de la balance des paiements. A défaut d'une hausse du taux d'intérêt, seule variable déterminante pour favoriser l'épargne et l'inclusion, quelles peuvent être les autres solutions susceptibles d'impacter positivement la résorption de cette monnaie circulant dans l'informel ? – Le marché financier ? Nous avons déjà répondu à cette question lors d'une précédente contribution intitulée «De l'art de planter sur la banquise un palmier-dattier.» La Bourse présuppose de la rentabilité, la création de valeur ajoutée, de la transparence, des règles prudentielles protégeant les investisseurs et une autorité au-dessus de la mêlée. La Bourse suppose également un taux d'intérêt élevé afin de rendre attractive cette dernière. Pourquoi aller sur le marché financier alors que le taux d'intérêt bancaire est bas et inférieur au taux d'inflation ? – Les produits islamiques ? Ils constituent pour l'inclusion un véritable contrepied, car comme leur nom l'indique expressément il s'agit de produits, donc d'emplois inscrits à l'actif du bilan à l'instar des opérations de crédit proposées à ceux refusant le taux d'intérêt comme mode de rémunération. Capter leurs ressources est une pure illusion. L'informel est leur terrain privilégié car réfractaire à toute idée de fiscalité… – L'emprunt obligataire et l'amnistie fiscale? En l'occurrence, ils apparaissent comme des approches pathétiques frisant le ridicule car ignorant le taux d'intérêt réel pour le premier, le déni de l'imposition pour le second du fait que les conditions d'utilisation des produits de la fiscalité manquent de transparence et de fiabilité. La fiscalité fonde la citoyenneté et présuppose la légitimité. Alors, chers amis lecteurs, vous êtes en droit de protester devant tous ces développements conduisant à une impasse ! En fait, quand il n'y a pas de solution, il faut revenir au problème en le décortiquant, en le détricotant. Dans le cas d'espèce, le problème majeur est l'impasse budgétaire résultant d'un niveau de dépenses supérieur à celui des recettes budgétaires. Sauf pari risqué d'une remontée des cours, l'Etat doit apprendre à gérer, adapter le niveau des dépenses à celui des recettes, opérer les arbitrages en matière de dépenses publiques en fonction des politiques économiques clairement énoncées. Il ne faut pas jouer au riche quand on n'a pas le sou, chantait le poète. Le comportement de l'Etat en sa qualité d'Agent économique est déterminant sur les résultats de tous les agrégats macroéconomiques, mais ceci n'est pas l'objet de notre contribution, sauf à dire que l'austérité, l'ajustement doit être appliqué en premier à celui par lequel le scandale est arrivé. Aujourd'hui, l'inclusion financière, l'endettement extérieur, l'investissement étranger, la fiscalité n'ont d'importance qu'au regard de l'impasse budgétaire. Or, c'est ce dernier qui importe en premier de traiter. Dans le cas contraire, c'est le FMI qui viendra prochainement s'en occuper…