Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'homme (CNCPPDH), a confirmé jeudi dernier la remise de son rapport sur la question des disparus au président de la République Abdelaziz Bouteflika. Intervenant, pour l'occasion, à l'émission « Forum » de la Chaîne II, maître Farouk Ksentini a précisé : « Il a été recensé dans ce rapport 6146 cas de disparition intervenus de 1992 à 1998. » Ce chiffre, a-t-il soutenu, est « exact », arguant le fait qu'« il a été fourni par la Gendarmerie nationale sur laquelle sont centralisées toutes les déclarations ». Maître Ksentini, pour lequel « il n'y a pas eu de cas de disparition depuis avril 1999 », rejette de ce fait tous les chiffres avancés par les associations des disparus qui ne sont pas, à son sens, « justifiés par des dossiers ». Ce qui risque, toutefois, de susciter encore la polémique chez les parties concernées (les familles des disparus en l'occurrence) qui ont, d'ores et déjà, rejeté ce rapport, élaboré, faut-il le souligner, après 18 mois d'investigations, par le comité ad hoc mis en place en 2001 au sein de la CNCPPDH. Cela dit, en conclusion de son rapport, M. Ksentini impute la responsabilité de ces disparitions « aux agents de l'Etat » qui ont agi, à son sens, « illégalement », mais qui n'implique en rien, a-t-il précisé, les institutions elles-mêmes. Le travail de réflexion et d'investigation auquel s'est livré le comité ad hoc a montré, selon lui, que « ces disparitions ont bel et bien eu lieu et qu'elles sont le fait d'agents des institutions de l'Etat ». Pour lever toute ambiguïté, M. Ksentini a tenu à faire un distinguo entre les victimes du terrorisme et les disparus. Ainsi, à ses yeux, « les victimes du terrorisme ne peuvent pas être comptabilisées comme des disparus, car leurs corps ne sont pas encore identifiés ». Il incite, à ce titre, les pouvoirs publics à utiliser la technique de l'ADN pour arriver à identifier les corps. Maître Ksentini, pour qui il y a « un véritable mystère » qui entoure les disparus, avoue ses limites d'investigation, arguant le fait que sa commission « n'est pas une commission d'enquête, mais une commission de réflexion ». Dans la foulée, il avance que durant les années noires du terrorisme, 500 000 de nos compatriotes ont été entendus par les institutions de l'Etat, dont la plupart ont été différés puis condamnés ou relâchés. Se référant à la Constitution qui fait obligation à l'Etat d'assurer la sécurité des citoyens, maître Ksentini a soutenu : « L'Etat n'a pas assuré cette sécurité dans le cas des disparus. » Cela étant, dans l'une des conclusions de ce rapport, le comité ad hoc propose, selon lui, d'offrir aux familles des disparus des indemnisations. Une proposition, selon lui, qui a été accueillie positivement par plus de 75% des familles interrogées. Quant au reste, a-t-il dit, il y a l'option de la justice. Maître Ksentini dit, par ailleurs, avoir attiré dans son rapport l'attention du président que la question des disparus est « douloureuse ». La raison est que, selon lui, « il y a des partis qui ont exploité cette question politiquement et il y a des gens qui ont fait d'elle un fonds de commerce ». Maître Ksentini avance comme recommandation essentielle de « dire la vérité » aux disparus. Vérité que « seul le président de la République est le plus approprié à donner », selon lui.