“La CNCPPDH est un instrument qui, jusque-là, n'a servi que ceux qui l'ont mise en place et la financent”, note l'Association nationale des familles des disparus dans une déclaration rendue publique hier à l'occasion de la Journée internationale des disparus. Le lifting que comptent apporter les autorités à la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), présidée par Farouk Ksentini, ne semble pas trop convaincre l'Association nationale des familles des disparus (ANFD). Première association à réagir à la décision de Bouteflika, l'ANFD a qualifié le “relookage” de la commission de Ksentini d'“authentique manœuvre”. “Annoncée déjà en Conseil des ministres du 13 mai dernier, juste après la reconduction de Bouteflika au poste de chef de l'Etat, le relookage de la CNCPPDH pour parachever la politique d'impunité et d'amnésie se précise. Il faut parer au refus de la commission des droits de l'Homme de l'ONU d'abriter en son sein un instrument qui, jusque-là, n'a servi que ceux qui l'ont mise en place et la financent”, note l'ANFD dans une déclaration rendue publique hier à l'occasion de la Journée internationale des disparus. Poussant plus loin son analyse, l'ANFD estime que “l'enjeu est double”. “En présentant sur le plan interne cette reconfiguration comme une nouvelle étape, il s'agit de faire avaliser de facto le travail déjà accompli dans la voie du processus d'impunité ; cela est particulièrement vrai sur la question des disparitions forcées. La caution onusienne doit servir le projet d'amnistie sans vérité et justice que le candidat Bouteflika a sorti lors de la dernière campagne électorale”, explique-t-elle, tout en relevant que “le président de la CNCPPDH, quant à lui, a déjà pris plusieurs longueurs d'avance en se positionnant en faveur de l'amnistie dans le sillage de Bouteflika”. “En vérité, les griefs de l'ONU à l'encontre de l'organisme confié à Farouk Ksentini ne s'arrêtent pas à des problèmes de forme aussi importants soient-ils”, remarque-t-elle. Et de se gausser de “la conception spécifique” que se font les autorités des droits de l'Homme non sans rappeler que “de tout temps, la dénonciation des défenseurs des droits de l'Homme, personnalités, ligues et associations confondues et les attaques contre les ONG internationales ont constitué une constante du pouvoir”. Et de poursuivre : “À travers cette commission, ce dernier (le pouvoir, ndlr) s'est doté d'un moyen pour le faire. Bien plus encore, les membres appointés font la promotion de l'action de l'Exécutif, parasitant les voix des défenseurs des droits de l'Homme et des victimes et polluent tout débat à ce sujet.” Sur le dossier des disparitions forcées, l'ANFD estime que ce n'est pas fortuit que le rapport transmis à Bouteflika en mars 2005 par la commission ad hoc dirigée par Farouk Ksentini n'ait pas été rendu public. “Il semble que le rapport soit opportunément tombé pour se défaire de certaines “lignes rouges” loin des droits des victimes”, explique-t-elle. Et de rappeler sa position à l'égard de la Charte pour la paix et la réconciliation qui, dénonce-t-elle, “viole le droit des victimes et codifie l'impunité”. “Elle mine la vie sociale et porte les germes de conflits futurs”, prévient-elle. De son point de vue, la crédibilité et l'efficacité de toute commission qui traiterait du dossier des disparus sont tributaires de quatre préalables : l'accès libre à tous les documents et archives civils et militaires sur les disparitions forcées, la levée de l'obstruction de l'action judiciaire prévue à l'article 45 des décrets portant application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la mise en place d'un mécanisme qui garantit les investigations sur les disparitions forcées et enfin la latitude de recourir à toute expertise nationale et internationale jugée utile pour la manifestation de la vérité. “Seules la vérité, la justice et l'amorce d'un processus démocratique peuvent garantir de tourner la page du conflit par un nécessaire travail de mémoire pour les familles et la nation”, conclut l'ANFD.