Suspendue depuis 1996 pour des raisons sécuritaires et économiques, la ligne ferroviaire reliant Tizi Ouzou à Alger a été remise en service à la hâte, le 19 juillet 2009, par le ministre des transports, Amar Tou. D'aucuns pensent que la reprise de service du train diesel, sur l'ancien tracé desservant notamment les gares de Draâ Ben Khedda, Tadmaït, Naciria, Bordj Ménaïel, les Issers, Si Mustapha et Thénia avant de faire escale pour prendre le train électrique vers Boumerdès et Alger, a été décidé sans assurer, au préalable, certaines commodités. L'insécurité dans le train, les retards, l'inexistence de gares adéquates pénalisent les voyageurs comme l'entreprise. De l'avis même des cheminots rencontrés à la gare de Tizi Ouzou, « ce sont là des handicaps qui devront être pris en charge, en attendant la livraison du nouveau projet. En cours de semaine, nous recevons peu de monde, à l'exception de dimanche et jeudi », déclare le chef de gare. « a mon avis, ce qui empêche les gens de prendre le train c'est l'isolement des gares. Il n'y a ni bus ni taxis qui conduisent les voyageurs dans nos gares », explique-t-il. on note qu'au niveau de la gare multimodale de Bouhinoune (Kaf Enaâdja), qui se trouve à la périphérie de la ville, de l'autre côté de la rocade Sud, il n'y a ni navette ni passerelle permettant aux citoyens de rejoindre la gare. « Les stations ne sont pas très fréquentées, d'une part parce que les gens ne sont pas suffisamment informés de la reprise du train vers Alger, mais d'autre part à cause de l'inexistence d'aires de stationnement au niveau des gares ferroviaires », précise un quinquagénaire rencontré avec sa petite-fille sur le quai, attendant le train de 11h. A 10h30, dans le hall de la station, le chef de gare se tient debout au milieu de la grande salle d'attente. Sur le palier de l'escalier qui mène aux quais, un couple papote en attendant l'arrivée de la machine de Oued Aïssi. A peine le sifflement se fait entendre qu'une famille de quatre personnes presse le pas vers le quai, tickets en main. on compte les voyageurs sur les doigts de la main. Le démarrage se fait avec 15 minutes en retard. « Nous arriverons avec quelques minutes de retard ce qui aura des incidences sur le retour », lance le contrôleur. Pourquoi ? « Savez-vous qu'il existe en moins 35 passages à niveau non gardés sur notre itinéraire ! Ils ont été créés pour les automobilistes ; le train doit, de ce fait, réduire sa vitesse devant chaque passage pour éviter les accidents. Idem à la traversée des deux marchés de Draâ Ben Khedda et de Bordj Ménaïel », explique-t-il. A 20 et 10 DA la place à partir de Naciria, ce train d'une autre époque arrange les adolescents des localités est de Boumerdès. Une aubaine pour les estivants, cet été, pour atteindre les plages de cette wilaya. « Ils montent sans argent parfois et pour les faire payer, je subis le martyre », dit le contrôleur qui, visiblement, a appris à dompter l'ardeur des ces jeunes. Insécurité et incivisme Aussitôt disparus, les adolescents se mettent sur le seuil des portes, les pieds en dehors, fument dans les wagons, sortent la tête par les fenêtres, se chamaillent… inconscients du danger, certains se tiennent même à l'extérieur des voitures, accrochés sur la rampe des portes. Pas l'ombre d'un agent de sécurité. Pourtant sur les autres lignes, telle Oran-Alger, gendarmes et policiers en civil assurent la quiétude des voyageurs. Le contrôleur fait de son mieux pour placer les familles dans les wagons. Quelques kilomètres après la 5e halte, la pression relâchée par le train soulève un nuage de poussière qui s'introduit par les fenêtres de la vieille machine. Arrivé au marché de Bordj Ménaïel, le contrôleur prie les voyageurs de fermer les fenêtres. « Pas plus tard qu'hier, ils nous ont jeté des tomates », raconte-t-il, tout en montrant du doigt une tache rougeâtre causée par une tomate venue s'écraser au plafond de la voiture ! Après avoir dévoré quelques kilomètres, le train s'engouffre dans un tunnel en construction. Au bout, des lignes électriques longent la voie ferrée. Le projet de modernisation et d'électrification de la ligne Tizi Ouzou-Thénia sur 48,8 km n'est qu'au stade de terrassement. Les citoyens, qui boudent le train jusque-là, devront attendre 2011 (officiellement) pour prétendre à un transport de qualité.