La polémique provoquée par le refus des deux détenus algériens, Abdul Aziz Naji et Fahri Saïd Ben Mohammad, de rejoindre leur pays suite à la décision de l'Administration américaine de les y transférer depuis Guantanamo n'a pas encore connu son épilogue. Selon l'ONG américaine Center for Constitutional Rights, A. A. Naji, capturé en 2002 au Pakistan et transféré le 19 juillet en Algérie contre son gré, est porté disparu. L'ONG va plus loin dans ses affirmations en soutenant que « M. Naji a disparu depuis son retour en Algérie et nous pensons qu'il est détenu secrètement par les forces de sécurité algériennes ». Contacté hier, le président de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l'homme (CNCPPDH, officielle), maître Farouk Ksentini, estime que « cette disparition peut être l'œuvre du prisonnier lui-même puisqu'il avait déjà émis le vœu de ne pas rentrer en Algérie. Aussi, il est possible que ce soient les services de sécurité algériens qui le gardent afin de l'interroger. Ceci est une procédure tout à fait normale dans la lutte contre le terrorisme. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un prisonnier arrêté au Pakistan. Que faisait-il dans ce pays ? Dans quelles conditions s'est-il retrouvé là bas ? Ce sont des questions que les policiers ont le droit de lui poser dans le cadre d'une enquête sur les prisonniers de Guantanamo ». A la question de savoir combien de temps Abdul Aziz Naji risque de passer entre les mains des services de sécurité, le président de la CNCPPDH précise que « selon la loi, la détention ne doit pas dépasser les douze jours ». De son coté, le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), maître Hocine Zehouane, ne se montre pas aussi confiant : « Faire disparaître les gens est chose courante en Algérie. Le système fonctionne ainsi, le détenu disparaît jusqu'à nouvel ordre. » Et le président de la LADDH de lancer : « Si A. A. Naji est entre les mains des services secrets algériens, sa détention peut aller jusqu'à des mois, et il n'est pas impossible qu'il ne réapparaisse pas ! » Dans la foulée, maître Ksentini s'est montré scandalisé par les « allégations » d'une ONG internationale qui aurait rapporté que le « disparu » serait détenu par les services secrets : « Accuser l'Etat algérien d'être l'auteur de cette disparition est quelque chose de très grave, diffamatoire et inadmissible. Il faut laisser l'Etat algérien faire ce qu'il faut pour lutter contre le terrorisme. » Par ailleurs, ce dossier entouré d'ambiguïté a fait remonter à la surface la question du devenir des prisonniers de Guantanamo après leur libération. A ce sujet, maître Zehouane a affirmé prendre sous son aile le dossier des ex-prisonniers qui envisagent d'entamer une action en justice afin de demander réparation aux autorités américaines. « Nous attendons la réception des dossiers des ex-prisonniers afin de faire le nécessaire pour que justice leur soit rendue car en matière juridique, les prisonniers en question ont droit à réparation », a assuré le président de la LADDH. Et de dénoncer : « Les Américains ont causé des préjudices à l'encontre de citoyens étrangers innocents. En dépit de cette grave atteinte à leur personne, l'Etat algérien n'a pas réagi. Cela m'amène à présumer qu'il y a une certaine complicité entre l'Etat algérien et l'Administration américaine quant au rétablissement des droits de ces victimes. » De son côté, maître Ksentini reconnaît que les ex-détenus de Guantanamo ont subi des injustices de la part les Américains, mais que ce n'est pas « une raison pour que le gouvernement algérien s'en occupe ». Pour le président de la CNPPDH, « l'Etat algérien ne peut se substituer aux citoyens, c'est à ces gens de faire appel à un collectif d'avocats pour défendre leur cause ».