Ils ont troqué leurs pancartes revendicatives par des produits désinfectants. Ce sont les membres des «Comités populaires pour la protection et la sensibilisation contre le coronavirus» qui, depuis mardi, s'investissent dans des actions de prévention et de solidarité à travers les quartiers de la ville contre la pandémie de coronavirus. Armés de bavettes et de gants, ces jeunes, membres du Collectif des étudiants de Constantine (CEC) pour leur majorité, s'impliquent d'une manière volontaire et effective dans la stratégie sanitaire de prévention. Jusqu'alors, Constantine n'a enregistré aucun cas de Covid-19. Raison de plus pour intensifier les actions de sensibilisation à l'effet de contenir les facteurs de contamination. «Nous avons collé, un peu partout en ville, des affiches sur les mesures d'hygiène élémentaires à observer, nous nous sommes adressés aux commerçant, aux gens dans plusieurs quartiers pour une meilleure vulgarisation des consignes préventives», nous dit Ouael, figure du CEC. Mardi, ces jeunes bénévoles ont fait le tour des quartiers où ils proposent aux passants de se désinfecter les mains avec une solution javellisée. Ils ont aussi procédé à la désinfection des devantures des magasins et des structures, dont la façade de palais de la culture Al Khalifa, des abris bus et d'autres endroits publics. Hier, ils ont repris leur bâton de pèlerin pour un deuxième round d'action. Croisés au niveau de la place Colonel Amirouche (Pyramide), lieu de ralliement, l'un d'entre eux, Yassine, étudiant en droit, nous fait part du programme du jour : «Aujourd'hui, nous nous déplacerons dans les banlieues à Sidi Mabrouk, entre autres. Nous avons besoin de renfort pour nous aider dans cette mission.» Effectivement, ils sont moins d'une dizaine à s'être présentés au lieu du rendez-vous. Il est évident que ce comité manque de bras. D'autant que les produits désinfectants en leur possession ont été acquis sur leurs deniers personnels, a-t-on soutenu. Les appels sur les réseaux sociaux à se rendre utile en cette période de crise ont tôt été entendus. Des citoyens, actifs dans le hirak se sont constitués dans des groupes et comités autonomes. Et quelle que soit l'appellation, le bénévolat est érigé en credo pour bon nombre d'entre eux. «Le hirak peut apporter sa part éducative en se protégeant lui-même et en sensibilisant sur le danger de l'épidémie et l'insouciance des gens. Faisons cette démonstration pour ceux qui doutent de notre clairvoyance. Le hirak, ce n'est pas Facebook. C'est un phénomène réel et pas virtuel», analyse l'universitaire et militant Abderezak Adel. Initiatives collectives et individuelles Sur la page desdits comités, certains annoncent qu'à l'échelle individuelle, ils ont entamé la distribution d'imprimés relatifs aux mesures de prévention contre le Covid-19 aux habitants de leurs quartiers. Ils projettent l'achat de masques, bavettes et gants pour les plus démunis. Une autre membre du groupe, compte tenu du prix des bavettes, soit 150 DA l'unité, suggère leur confection en tissu pour qu'elles soient pluri-utilisables puisque lavables. Ainsi, les initiatives citoyennes se multiplient face à la lenteur de réaction des pouvoirs publics. Les cafés à Constantine sont toujours ouverts. Ils ne sont pas concernés par l'arrêté émanant de la wilaya, qui concerne les marchés hebdomadaires, les salles des fêtes et les hammams. Même les opérations de désinfection des espaces publics et des rues, non seulement ont pris du retard, mais ne s'effectueraient pas en conformité des normes sanitaires, nous confie un hygiéniste. «On ne désinfecte pas pendant la journée parce que les produits s'évaporent sous l'effet du soleil, il aurait fallu pour une meilleure efficience le faire le soir», a-t-il tenu à attirer l'attention des pouvoirs publics. La crise sanitaire, faut-il le reconnaître, a modifié le comportement des citoyens. Non pas en prenant au pied de la lettre les consignes d'hygiène, mais en limitant les déplacements. Cette période de vacances scolaires, propice auparavant aux sorties des mères de familles avec leurs enfants, semble devenir un lointain souvenir. La ville est vide. Les rues dans lesquelles il fallait, il n'y a pas si longtemps, faire du coude-à-coude pour avancer offrent aujourd'hui une certaine fluidité. «Les gens restent confinés chez eux et c'est très bien, les transports sont moins bondés et c'est tant mieux, car cela minimise les risques de contagion», fait constater un usager du tramway, dont la désinfection des rames a commencé hier.