Le Conseil supérieur de la sécurité nationale en Tunisie devrait valider, dans sa réunion prévue cette semaine, la décision du haut comité scientifique pour la lutte contre le Covid-19 de prolonger le confinement jusqu'au 3 mai prochain. «L'évolution de la pandémie exige la poursuite des mesures préventives, pour éviter une toujours possible propagation horizontale catastrophique du virus», assure le professeur Hechmi Louzir, directeur général de l'Institut Pasteur de Tunis, à El Watan. Les scientifiques continuent à recommander la distanciation sociale pour ralentir les retombées de la pandémie. La Tunisie n'a enregistré que 34 décès pour un total de 726 contaminés, sur 11 825 tests de dépistage. 119 patients sont hospitalisés, dont 26 dans les services de réanimation, alors que 43 sont définitivement guéris après avoir subi deux tests de contrôle. Ce nombre très réduit de cas indique, selon les spécialistes, que le pic de la propagation est loin d'être atteint. Les virologues disent que deux tiers de la population pourraient être contaminés par le virus lors du pic de sa propagation. Et, même si les spécialistes précisent qu'il y a deux porteurs sains pour un porteur symptomatique, un minimum de 20% de la population pourraient être atteints, pour parler de passage du virus à travers un territoire. Or, il est clair que la Tunisie, et tous les autres pays, y compris la Chine, sont loin de ces proportions en rapport avec le Covid-19. Du coup, il n'y a pas d'autre alternative à la prudence. Ainsi, le conseil scientifique a recommandé de prolonger le confinement de deux semaines, de préparer une cartographie de la propagation de la pandémie à l'aide de 10 000 tests et du renforcement des structures hospitalières, afin qu'elles soient fin prêtes à un éventuel pic de la maladie. Masques obligatoires Sur le terrain citoyen, l'attitude des autorités est doublement préventive, avec une application rigoureuse du confinement et du couvre-feu de 18h à 6h. Une amende de 50 dinars (16 euros) est appliquée aux piétons réfractaires au confinement et la réquisition de la voiture est systématique pour les conducteurs ne disposant pas d'autorisation spéciale de circulation. L'approvisionnement dans les marchés se fait par petits groupes, en respectant la distanciation sociale. Des brigades spéciales, formées par l'armée et les unités sécuritaires, sillonnent les quartiers avec des haut-parleurs appelant les citoyens à rester chez eux et ne sortir qu'en cas de besoin. Des hélicoptères font des rondes pour repérer les rassemblements et alerter les brigades au sol. Un appel est relayé par les médias et les réseaux sociaux pour généraliser le port du masque, se laver régulièrement les mains avec du savon et appliquer la distanciation sociale. Ces mesures ont permis, jusque-là, à la Tunisie de contenir la propagation du virus. Pour l'avenir, les autorités médicales tunisiennes, relayées par les politiques et la société civile, continuent à appeler à plus de prudence et de prévention, avec l'obligation du port du masque pour préparer progressivement le déconfinement. Un ordre a été donné pour produire, dans les deux prochaines semaines, 30 millions de masques, selon un cahier des charges du ministère de la Santé ; ils seront vendus dans les pharmacies au prix unifié de 2,3 dinars (0,7 euro). Il s'agit de masques lavables. Néanmoins, le ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, assure qu'«on ne peut réfléchir à déconfiner qu'une fois une sortie préventive des citoyens sera possible, avec le port systématique du masque et le respect de la distanciation sociale partout, ce qui n'est pas possible sans des préparatifs drastiques». Le ministre fait remarquer que «l'avis des scientifiques reste prépondérant dans une pareille décision». Ainsi, et malgré le mois du Ramadhan, prévu vers le 26 avril, la Tunisie s'apprête à décider la poursuite du confinement jusqu'au 3 mai, et le maintien du couvre-feu pour éviter les soirées ramadanesques, très opportunes pour la propagation du virus. Il est vrai que le poids socioéconomique de cette décision est très lourd, vu l'existence de centaines de milliers d'employés journaliers, qui vivent au jour le jour. Mais, «la santé passe avant tout», assure le chef du gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh. Tunis De notre correspondant Mourad Sellami