La théorie des échanges internationaux a toujours reçu l'aval d'une vaste majorité d'économistes. Malgré quelques critiques, les économistes ont toujours cru in fine à ce paradigme qui a dominé les esprits et les recommandations pratiques des économistes depuis plus de deux siècles. On ne jure que par les théories du libre échange pour tirer profit des avantages comparatifs et relatifs. On s'empresse de recommander aux économies de se spécialiser sur des segments de production très limités parfois sur quelques éléments de la chaine de valeurs très limités pour en conserver la plupart, les plus rentables au sein des pays les plus industrialisés. Dés lors que l'on ouvre son économie et on se spécialise dans des modules précis de biens et de service à développer, la prospérité suivra et l'intégration à l'économie mondiale ne peut que procurer plus de bien être pour tous les citoyens. C'était l'idée à laquelle la vaste majorité des économistes croyait. Nous devons faire la part des choses. Ce point de vue n'est pas totalement dénué de tout fondement. Ce n'est pas une affabulation. C'est une doctrine sérieuse qui a ses limites certes mais qui contient des germes de solutions à bon nombre de problèmes économiques sérieux. Un pays ne peut tout faire, surtout les petits pays en voie de développement. Il serait peu sérieux pour une nation de taille et de ressources limitées de vouloir produire des avions, des scanners etc. Les décideurs doivent donc faire des choix. Les théories du commerce international leur offrent des possibilités. Elles leur permettent de choisir parmi toute une panoplie d'options les alternatives qui conviennent à leur contexte. Mais la directive est toute simple : spécialisez vous la ou vous pouvez produire le plus et pouvoir affronter la compétition internationale. Les hypothèses que l'on cache Il y a un grave problème dans l'enseignement et l'interprétation des sciences sociales. On présente les théories et leurs recommandations aux décideurs sans faire le travail d'expert le plus important à réaliser. Lorsqu'on présente également une théorie aux étudiants rares sont les enseignants qui se penchent largement sur les hypothèses. Pourtant chaque schéma théorique a des hypothèses implicites et explicites qui peuvent éclairer pourquoi il est valable dans un contexte et totalement inopérant dans un autre. Les hypothèses vont permettre d'évaluer si la théorie serait valable dans le contexte du pays en question ou pas. Mais il se trouve que les théories du commerce international recèlent une foule d'hypothèses qui les rend valides dans un contexte et invalides dans un autre. Le problème réside également dans la présentation de ces doctrines par leurs promoteurs : on cite rarement les hypothèses les plus importantes sur lesquelles on a bâti le schéma et ses recommandations. Considérons uniquement quelques hypothèses implicites des théories du commerce international pour comprendre la problématique. On considère uniquement deux hypothèses pour ne pas encombrer l'analyse. On peut en rajouter d'autres au besoin. La première concerne le fait que pour que les échanges entre pays se fassent au profit des deux pays il ne doit pas y avoir des rapports de domination mais surtout des rapports de coopération entre les états échangistes. C'est une hypothèse qui parait anodine mais qui a des conséquences immenses sur les faits réels. Lorsque le Portugal échange avec l'Allemagne, un système de coopération institutionnalisé par l'union européenne, encadre la collaboration entre les deux parties. Le rapport de domination est minime. Les deux parties gagnent à approfondir leurs collaborations et leurs échanges. Ce n'est pas le cas lorsque les USA échangent avec un petit pays d'Afrique. Les firmes multinationales sont si puissantes qu'elles impactent les décisions du pays. On peut y localiser les industries polluantes ou commercialiser localement des produits peu conformes aux normes. Et les produits stratégiques ? On voit donc que les préconisations des constructions théoriques ne sont valables que sous certaines conditions très strictes. Mais parfois ces conditions ne sont pas explicitées. Prenons une seconde hypothèse parmi tant d'autres. La théorie du commerce international suppose également la mobilité des facteurs de production. L'élément numéro un serait les ressources humaines. Non seulement les capitaux peuvent s'investir librement en fonction des opportunités des marchés internationaux mais les ressources humaines se déplacent en fonction des possibilités d'améliorations de leurs qualifications afin de renforcer les capacités productives des pays dans les domaines ou leurs avantages comparatifs ou relatifs existent. Seulement voilà, les plus grandes barrières émises par de nombreux pays concernent surtout la mobilité humaine. Nous avons là une entrave d'envergure aux fonctionnements des marchés internationaux. Et on suppose qu'avec ces deux hypothèses non valides et bien d'autres encore la théorie fonctionne en pratique, qu'il faut suivre ses préconisations et ne pas s'en inquiéter car les mécanismes en jeux vont produire leurs effets bénéfiques. Mais la crise du coronavirus a jeté de sérieux doutes et discrédits sur la théorie du commerce international. De nombreux pays avaient externalisé en Chine des produits médicaux stratégiques comme les masques, les hydrogels, les respirateurs etc. Les pays ont réquisitionné tout ce qui se produit localement (entrave aux libres échanges). Par la suite, s'en est suivie une véritable opération de piratage international. Les pays se font des guerres de surenchères et d'accaparement de produits destinés à d'autres pays. Si le commerce international devient un problème international durant les périodes où on en a le plus besoin quel serait son utilité dans la vie des nations. Les pays vont revoir en profondeur leur stratégie de commerce international ? C'est le pays le plus puissant du monde (les USA) qui a commencé par remettre en question la doctrine du libre-échange (America First). Les pays développés ont participé à des degrés divers à l'accaparement des produits médicaux qui ne leur sont pas destinés. Toutes les hypothèses du libre-échange volent en éclats. Dans le futur, beaucoup d'état vont mieux planifier le commerce international.