Ni route de la soie ni route des épices. L'autoroute Est-Ouest, avec ses 11 milliards de dollars de budget, est sans conteste celle des pots-de-vin. La cagnotte astronomique dégagée sur les fonds publics pour l'exécution de ce grand projet, le « projet du siècle », a aiguisé bien des appétits. Des appétits voraces, nationaux et étrangers. En plus des mirobolantes commissions payées via des sociétés-écrans – basées en Autriche et à Singapour –, des gratifications en tout genre, des privilèges en nature, l'achat et la location de villas et appartements… Certaines sociétés étrangères engagées pour la réalisation des tronçons de l'autoroute Est-Ouest – c'est le cas notamment de la société chinoise – ont même constitué des « cellules de veille » à l'étranger dont la mission première est de collecter toute information en rapport avec le marché de l'autoroute. C'est ce qu'a révélé, entre autres, l'ex-officier supérieur de l'armée, Mohamed Kheladi, directeur des nouveaux projets à l'Agence nationale des autoroutes (ANA), sous mandat de dépôt. Devant le juge d'instruction de la 9e chambre du tribunal de Sidi M'hamed, Kheladi, l'homme par qui le scandale a éclaté, a déclaré qu'un réseau de personnalités influentes avait été constitué en 2005, un lobby chargé de mettre sous coupe réglée le marché de l'autoroute Est-Ouest. Le trafiquant d'armes français Pierre Falcone serait à la tête de ce réseau. De hauts responsables algériens, dont un ancien ministre, des hommes d'affaires véreux, un colonel du DRS, un général de l'armée… en feraient également partie.