Que de déçus ! Cette année, il semblerait que la proportion des bacheliers insatisfaits des résultats de l'orientation soit à la mesure du pourcentage de réussite au baccalauréat. Alors qu'ils étaient encore tout à leur joie et à leur soulagement d'avoir pu décrocher cet indispensable sésame, de nombreux nouveaux bacheliers ont eu vite fait de déchanter. L'orientation, souvent critiquée par les concernés, risque encore de faire couler beaucoup d'encre. Et pour cause : des centaines de jeunes gens se sont vus, au terme du processus de choix de cursus, dirigés vers des filières n'ayant nul rapport avec la série du baccalauréat obtenu. Dans l'enceinte de l'université de Bouzaréah, « estampillée » lettres et langues, les visages des quelques « bleus » venus procéder aux formalités d'inscription ne peuvent contenir leur déception. Leur colère et leur incompréhension non plus. « Comment expliquer qu'après l'obtention d'un bac série sciences, l'ENI ne trouve d'autres débouchés qu'une place en faculté de sciences humaines ! », s'indigne une jeune fille assise sur un banc, dans la cour de l'établissement. Les choix rapportés sur sa fiche de vœux ? « Biologie, technologie, ainsi que d'autres études toujours en rapport avec des matières scientifiques », s'exclame la jeune fille. « Cela est tout bonnement une aberration ! », renchérit sa mère, qui l'accompagne. « Lorsque je me remémore les longues heures de révisions ou encore les cours de soutien de mathématiques et de physique, ma fille aurait pu en faire l'économie et suivre, au lycée, la série littéraire ! », lance-t-elle. Cette parente n'est pas la seule à vilipender le nouveau système d'orientation. Dans un communiqué parvenu hier à la rédaction d'El Watan, un collectif de parents d'élèves s'insurge contre ce qu'ils jugent être un « scandale ». « Comment des bacheliers série mathématiques, technique, génie civil, génie mécanique ou génie électrique peuvent-ils être orientés en sciences humaines ou en sciences sociales ? », peut-on lire dans le document. Les étudiants dont il est question ont été, dès la 2e année secondaire, pilotés vers ces nouvelles branches en vue de leur intégration directe dans des universités en fonction de leur formation spécialisante. D'où leur douloureuse surprise. Après avoir suivi un programme similaire à celui dispensé aux classes de mathématiques, ils devront s'initier à des modules tels la classification bibliographique, les techniques d'archivage et de recherche ou encore la psychosociologie de la communication. « Leur avenir est aujourd'hui brisé par un système défaillant », accusent les parents d'élèves. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à critiquer aussi vertement ces décisions « aléatoires ». « Parfois, l'orientation ne semble suivre aucune logique », reconnaît l'un des responsables des inscriptions au sein de l'université d'Alger. Un baccalauréat sans valeur ? « Des bacheliers en sciences expérimentales ou en sciences de gestion, par exemple, qui n'ont donc jamais suivi de cours d'allemand, ont été orientés vers une licence d'allemand », relate-t-il. « Ou encore, un jeune homme ayant décroché son baccalauréat avec une moyenne de 15 est contraint à suivre des études en sciences humaines », déplore une autre responsable, qui avoue avoir de la peine pour ces adolescents désemparés. D'autant plus que les recours, contrairement aux années précédentes, sont quasi impossibles. « Tout est informatisé et se passe sur Internet », explique l'un des guides universitaires. Afin d'introduire une telle action, il faut impérativement que l'étudiant reporte son choix sur une option qui n'était pas présente sur la fiche de vœux. « Et même ainsi, ce n'est pas garanti, puisque toutes les moyennes d'accès ont été revues à la hausse », explique-t-il avec un haussement d'épaules. Ce qui rend inévitables les scènes d'hystérie, de pleurs et de colère des malheureux. « Et je peux vous dire qu'il y en a eu ! Jusqu'à présent, l'on peut même estimer que plus de 50% des bacheliers qui se sont présentés sont insatisfaits de leur orientation », conclut-il. Les inscriptions et autres démarches n'ont débuté que jeudi 29, et week-end et procrastination aidant, l'on peut donc s'attendre à une augmentation des mécontents à mesure du déroulement de cette opération. « Il fallait penser au nombre de places pédagogiques disponibles avant d'ouvrir les vannes. Maintenant, la plupart des bacheliers se retrouvent avec un bac sans valeur ! », résume un professeur avec un clin d'œil entendu.