Que faire quand on patauge dans les profondeurs des sondages, quand plusieurs ministres traînent des casseroles encombrantes, quand ses promesses électorales sont piétinées quotidiennement, quand son parti est soupçonné de financement illégal ? Paris (France). De notre correspondant Nicolas Sarkozy croit détenir la solution, une recette éculée : cibler l'étranger, désigner un bouc émissaire et fragmenter les Français entre ceux de souche et les autres, forcément suspects. Le président français s'aligne clairement sur les thèses du Front national. En visite à Grenoble pour installer le nouveau préfet, il n'hésite pas à prendre un raccourci dangereux liant immigration et délinquance. Finie l'ouverture à gauche, l'heure est au retour aux fondamentaux de la droite. Il voulait du « gros rouge qui tache », il sort les gros clichés. Il souhaite que la nationalité française soit retirée à certains délinquants d'origine étrangère et que « l'acquisition de la nationalité française par un mineur délinquant ne soit plus automatique au moment de sa majorité ». Si le but de ce discours sécuritaire est de créer un contre-feu pour faire oublier l'affaire Eric Woerth, ministre du Travail, pris dans la tourmente médiatique et judiciaire, il semble avoir été atteint. Les socialistes se sont engouffrés dans la polémique et dénoncent les dérives du discours du chef de l'Etat. Le FN, lui, savoure et remarque que les propos du président confirment « officiellement le caractère criminogène de certaines immigrations ». Le président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, Michel Tubiana, s'étrangle d'indignation : « Faire un discours sur la délinquance uniquement centré sur une question de retrait de nationalité, sur l'immigration, après avoir tenu une réunion sur les gens du voyage et sur les Roms, c'est l'assimilation des étrangers et des personnes d'origine étrangère à la délinquance, à ceux qui mangent le pain des Français. » L'historien de l'immigration, Patrick Weil, y voit une stratégie électoraliste : « On ne peut s'empêcher de remarquer que le choix de distinguer les Français d'origine étrangère de leurs compatriotes d'origine non étrangère, d'opposer immigration et identité nationale par la création d'un ministère portant ce nom est une marque de fabrique de la présidence de M. Sarkozy qui participe de l'ère du soupçon à l'égard des Français d'origine étrangère. » Coup de poignard dans le dos de la République « En stigmatisant l'étranger délinquant et au chômage, en liant intégration et insécurité et en instaurant une différence entre les citoyens, selon leur origine, le discours prononcé à Grenoble par Nicolas Sarkozy constitue un coup de poignard dans le dos de la République », affirme Corine Lepage, présidente du parti écologiste Cap21. Opinion partagée par le député Nicolas Dupont-Aignan (ex-UMP) : « En dressant les Français les uns contre les autres pour des raisons purement politiciennes, Nicolas Sarkozy abîme la fonction présidentielle. Sans pour autant résoudre les réels problèmes de sécurité, il sape gravement la cohésion nationale. » Seul le Front national jubile, il se voit conforté dans son combat. Nicolas Sarkozy avait siphonné les voix du parti d'extrême droite lors de la présidentielle. Pour le FN, « les propos du président de la République qui procèdent d'une nouvelle gesticulation estivale n'ont qu'un mérite, celui de confirmer officiellement le caractère criminogène de certaines immigrations ». Le porte-parole du Parti socialiste y voit le début de la campagne présidentielle : « Nicolas Sarkozy est dépassé par l'insécurité, débordé par l'échec d'une politique beaucoup trop simpliste et il est engagé dans un bras de fer avec Marine Le Pen dans la perspective du premier tour de la présidentielle de 2012. » Ce discours donne des indications sur le remaniement d'octobre. Nicolas Sarkozy va sûrement éjecter du gouvernement ses « prises » de gauche, désormais inutiles, maintenant qu'il a décidé de prendre le virage toute à droite.