«Les plus grandes épreuves auxquelles le monde aura à faire face dans les années à venir seront la surpopulation, le manque de ressources (eau, matières premières, pétrole…), des pandémies de toutes sortes de maladies connues et nouvelles, des pollutions de toutes sortes (chimiques, air, eau, alimentation…)». Albert Einstein
III- Un new deal vert : de quoi s'agira-t-il ? Devant l'incapacité des Etats à coopérer au sujet du développement et ses crises induites par la crise sanitaire actuelle, le changement de paradigme devient inévitable. C'est pourquoi il faut recréer les conditions d'un nouveau consensus mondial. Ce qui permettrait de redéfinir un nouveau plan de développement durable. Les enjeux sanitaires passent en priorité en ce qui concerne le pilier social. Nous assisterons certainement, après ce long épisode du Covid-19 à une nouvelle reconfiguration mondiale sur le double plan économique et géopolitique. Ce qui va accélérer ce processus seront à la fois le développement accru des technologies de l'information et de la communication et les innovations technologiques, surtout dans le domaine de la santé. Ce sont là les conditions de l'irruption de nouvelles puissances sociales et économiques. Le repositionnement des pays asiatiques sur le plan international : la Chine, à titre d'exemple, pour tirer profit de sa gestion de la crise sanitaire. Son succès dans le freinage de la propagation du coronavirus en est une démonstration pour peser sur les futurs équilibres globaux. L'enjeu recherché est de trouver, une nouvelle fois, de nouveaux ressorts de la croissance économique du fait que l'économie mondiale est en récession. De ce fait, la gouvernance mondiale est en crise et cette tragédie sanitaire a permis une prise de conscience des peuples quant à la crédibilité et à l'efficacité des classes politiques dirigeantes. Les mouvements sociaux contestataires des régimes en place vont se redynamiser et arracheront à coup sûr des victoires dans divers terrains. Les fonds publics débloqués par certains pays ou les regroupements régionaux pour amortir le choc économique seront inscrits au passif des générations futures. Voilà donc un motif supplémentaire de mécontentements populaires qui ne feront que s'accentuer à l'avenir ! La déconstruction du modèle actuel est donc inévitable permettant d'abord d'accompagner l'élite politique soucieuse du développement des territoires pour la propulser au sommet des Etats. En somme, nous pouvons dire que le meilleur scénario envisageable à ce new deal est de tenir compte du contexte actuel de la mauvaise gouvernance de la crise sanitaire mondiale pour aller vers un renouveau dans le traitement des problématiques mondiales. Le développement ne pourrait être que durable et soutenu dans le cadre d'une vision plus humaniste. Les institutions mondiales chargées de la coopération pour la compréhension et le règlement des questions du développement durable doivent revisiter tous les protocoles ratifiés à l'effet de remettre au centre des débats la question de la santé et la protection de l'environnement. À juste titre, l'efficacité d'une stratégie mondiale en matière de gestion des crises sanitaires est tributaire d'un environnement sain (l'hygiène et la salubrité) pour permettre l'anticipation et la maîtrise. Sur le plan économique, le «new deal vert» doit promouvoir l'entrepreneuriat vert dans le cadre du nouveau modèle de l'économie circulaire. Par conséquent, pour promouvoir cette nouvelle orientation, il est primordial de remettre à table des négociations la question cruciale, longtemps ignorée par les décideurs au niveau international ; celle relative à la division internationale du travail. Les pays en voie de développement doivent tirer un avantage pour booster leur économie dans la perspective de cette nouvelle orientation. Voici, en résumé, les principaux scenarii que l'on peut imaginer dans ce nouveau basculement d'une nouvelle orientation mondiale. Il est clair que devant cette situation de catastrophe sanitaire, le monde sera bouleversé où chaque pays tentera de comprendre d'abord les enjeux qui l'entourent mais en agissant urgemment pour arrêter l'hémorragie. Nous consacrerons, dans le dernier point de notre contribution-réflexion à l'analyse du cas de notre pays : l'Algérie. IV- La crise sanitaire en Algérie : entre les réponses à une situation d'urgence et la double absence d'une véritable stratégie et d'un système de veille sanitaires De prime à bord, et en référence aux scenarii développés précédemment concernant le new deal vert, et au regard des différentes évolutions que connaissent les pays aujourd'hui, l'Algérie n'a fait que prendre les mesures nécessaires édictées par l'OMS en s'appuyant, bien sûr, sur l'expérience de la Chine et des pays européens touchés plus particulièrement. Il était plus que prévisible que l'Afrique allait subir cette pandémie de façon fatale en raison de la défaillance des systèmes de santé existants. Bien entendu, l'Algérie n'a pas échappé à cette donne dans un contexte de grande vulnérabilité en raison de la chute drastique des prix du pétrole sur le marché international. À cet effet, les pouvoirs publics ont pris des décisions sous la pression de l'urgence sanitaire bien que les moyens nécessaires n'aient pas été à la hauteur des attentes en termes quantitatifs (moyens de protection indisponibles même pour le corps médical et professionnels de la santé). Certes les décisions prises concernant la valorisation des professionnels de la santé sur le plan pécuniaire sont nécessaires, mais l'amélioration des conditions de travail est plus importante. La réforme véritable du système de santé déjà annoncée devra s'articuler autour de la formation et l'accès aux soins de façon à assurer une équité sociale. S'agissant de la formation justement, il est important de s'intéresser au management lié aux risques des crises sanitaires probables. Le renforcement du fonctionnement des institutions sanitaires et administratives est plus que primordial pour une meilleure efficacité des prestations de soins. En outre, il est nécessaire d'évaluer les actions de solidarité qui ne sont pas négligeables, engagées par la société civile. Cet élan est une démonstration de la pratique du développement durable dans son volet social. Ces structures organisationnelles devraient être érigées comme des acteurs incontournables dans la réalisation des objectifs du développement durable contenus dans les agendas 21. Des solidarités agissantes et performantes qui nous permettent de tirer des enseignements pour concrétiser le vivre ensemble dans une communauté de destin. Ce qui a été constaté au niveau des organisations villageoises et quartiers des centres urbains, depuis le début de cette crise, à l'effet de respecter les règles de confinement. Enfin, sur le plan géopolitique, l'Algérie ne doit pas subir justement les pressions des grandes puissances mondiales dans le cadre de ce «Nouvel ordre mondial» retracé dans le cadre du «new deal vert» que nous avons esquissé plus haut. En ce sens qu'il faut tirer les leçons de cette crise sanitaire. À ce juste titre, les solidarités et coopérations internationales doivent, désormais, s'inscrire dans le cadre du principe gagnant-gagnant d'autant plus que des reconfigurations et des alliances stratégiques entre pays seront annoncées et concrétisées. Ce qui plaide en faveur de cela est l'Union Européenne, mise à mal dans la gestion de la crise sanitaire où la coopération est assez faible. Toute coopération entre l'Algérie avec, par exemple, les pays de la rive nord de la Méditerranée dans l'après-Covid-19 doit se concrétiser dans l'esprit de la réciprocité. Entre les deux rives, il y a la Méditerranée qui ne constitue pas un simple lac d'eau salée mais un poumon, un cœur dont les influences pluridisciplinaires et pluridimensionnelles impactent la rive sud simultanément. En termes de facteurs de développement, il est clair qu'il y a un déséquilibre entre le Nord et le Sud : le développement au Nord a atteint un certain niveau et point une saturation visible, alors qu'au Sud, même les éléments basiques de toute approche de développement sont inexistants. Il faut donc faire en sorte que cet déséquilibre fondamental soit régulé de façon à ce que les actions de coopération ne soient pas vouées à l'échec ; c'est à cela, à notre humble point de vue, que le monde se dessinerait dans le cadre de ce «new deal vert». Enfin, nous pouvons signaler qu'il aura fallu un micro-organisme pour accélérer la transition vers ce «new deal vert» du fait des équilibres écologiques qui commencent déjà à se rétablir. à suivre…
Par Dr Arezki Chenane Docteur en sciences économiques et enseignant-chercheur à maître de conférences «A» à la Faculté des sciences économiques, commerciales et des sciences de Tizi Ouzou.