Le système mondial nous vise et nous considère comme son ennemi. Les chercheurs du monde entier se posent des questions pratiques et d'avenir sur les problèmes et contradictions du développement en ce XXIe siècle. Tous les problèmes se posent en même temps. La mondialisation économique des inégalités avance à un rythme accéléré; le monde n'a jamais été aussi inégalitaire et imprévisible. Les facteurs de risque vont grandissants: paupérisation, loi du plus fort, monopolisation du commerce international par les cinq cents plus grandes multinationales, défi climatique, enjeux sanitaires, insécurité énergétique, batailles de l'eau, crises financières, surenchère touristique, limites technologiques et conflits régionaux. On assiste à l'émergence de nouveaux modes de guerre, de remise en cause radicale des souverainetés, de recolonisation sous des formes inédites, à la mondialisation de l'insécurité et à la multiplication des mobilités sélectives, humaines et informationnelles. On essaie d'entrevoir des solutions alternatives et si possibles durables: coopération pour la lutte contre le crime organisé, croissance écologique, dialogue des cultures, gouvernance des biens communs, transition énergétique, régulations sanitaires, démographie et migrations, progrès de la recherche. L'approche multilatérale, prospective et pluridisciplinaire, objective, efficiente et éthique des enjeux sécuritaires, économiques et géopolitiques, culturels et géostratégiques, est la voie pour régler graduellement les problématiques et trouver les solutions qui relèvent les défis communs de ce monde imprévisible. Il n' y a pas d'alternative pour que des institutions, des chercheurs et des associations du Nord et du Sud, appartenant aux horizons politiques, économiques et culturels les plus divers partagent leurs expériences, réussites, préoccupations et prévisions. Nombreuses questions Face à l'impasse des formes actuelles de développement, quelle est l'issue: retour à la réglementation, rationnements, conflits, inégalités, régressions économiques, sanitaires et sociales? Existe-t-il des modèles de croissance économique qui assurent un degré de satisfaction acceptable sans altérer gravement les valeurs humaines et le futur de la planète? S'agit-il de modèles de rupture? L'évolution libre des comportements, l'éducation et la prise de conscience des peuples suffiront-elles à atteindre les objectifs visés? Comment éviter que les pays en développement ne se coulent dans le moule des pays industrialisés et évitent les dépendances? La recherche et l'innovation adaptées à chaque pays peuvent-elles ouvrir de nouvelles voies? Quelles règles peuvent gouverner les biens publics communs sans remettre en cause le progrès de l'humanité vers plus de démocratie et de liberté sans tenir compte des spécificités locales? Comment concilier besoin d'autorité, d'affirmation de l'Etat, nouvelles politiques publiques et libertés individuelles? Comment introduire le principe de responsabilité dans les décisions qui régissent nos comportements? Pouvons-nous répondre aux défis de demain avec les institutions d'hier? L'incompétence et les intérêts étroits, comment les juguler et les liquider? Peut-on prévoir et anticiper l'équilibre démographique futur? Comment assurer la solidarité entre les générations et entre les pays? Comment réinventer de nouveaux liens et la solidarité, dans un monde marqué par l'individualisme et les égoïsmes étroits? Comment éviter de rendre les progrès thérapeutiques accessibles seulement aux plus fortunés? Comment assurer la justice sociale et l'efficacité? Comment financer la recherche médicale, l'action sanitaire et la couverture sociale? Comment piloter et harmoniser les rapports entre pays développés et ceux qui aspirent à le devenir? La recherche dans nos pays est-elle structurée pour les nouveaux enjeux du XXIe siècle? Le rétablissement de la confiance dans la recherche et les élites suppose-t-il des modifications de posture des chercheurs, de nouveaux statuts, de nouveaux critères d'évaluation, de nouvelles manières de fixer les priorités? Les acteurs de la société sont-ils suffisamment associés à la fixation des orientations de la recherche? Les citoyens ont-ils suffisamment de repères pour comprendre la recherche? Quelles sont les conditions pour l'association des citoyens et des acteurs? Parviendra-t-on à assurer l'accès de tous à l'énergie d'une manière économe et peu émettrice de gaz à effet de serre? Saura-t-on faire évoluer les comportements des citoyens consommateurs, anticiper leurs besoins de mobilité et les moyens de les satisfaire? Quel sera le mixage énergétique de demain et d'après-demain? Des choix et ruptures technologiques sont-ils nécessaires et possibles? Avec quelle acceptation sociale? Comment évolueront la demande en transports et les solutions pour y répondre? Comment s'organisera la gouvernance internationale sur les gaz à effet de serre? Quelle culture pour demain? Quels loisirs qui respectent la pluralité et en même temps facilitent la pérennité et vivacité des valeurs communes? Les citoyens du Sud se plaignent à juste titre, principalement sur le plan externe, de problèmes de fond: du recul du droit, de la politique du deux poids, deux mesures et des injustices qu'ils subissent dans le monde, comme c'est le cas en Palestine et en Irak. Ce sont les obstacles politiques du contexte international. L'ignorance et la désinformation dont ils sont victimes aggravent leur situation. Comme tous les autres peuples, ils font face aux défis et incertitudes que pose la mondialisation des inégalités et de la déshumanisation. Sur le plan interne, en rive Sud, trois problèmes assaillent les peuples. Les solutions sont en nous La faiblesse des pratiques démocratiques et la faiblesse de la créativité, du raisonnement, conformes à la marche du temps, sont ce qui manque le plus. Les réactions de repli, l'absence de civisme et la violence aveugle donnent de l'eau au moulin de tous ceux qui craignent les effets pervers des libertés. La persistance de pratiques sociopolitiques archaïques ne favorise pas la responsabilisation des citoyens. Cependant, les richesses et potentialités, notamment humaines, existent, et la société civile tente d'oeuvrer. En conséquence, l'avenir dépend de la capacité à pratiquer le vrai dialogue tant sur le plan interne qu'international. Reste à pratiquer ce qui fait le plus défaut: l'interconnaissance et la consultation, car certains s'imaginent détenir l'exclusivité de la vérité et méprisent leurs peuples. Il s'agit d'une mondialisation de l'insécurité, de l'absence de valeurs, de l'injustice, du non-sens et de l'immoralité. A l'instar des autres nations, le monde arabe, partie indivisible de l'humanité, souffre de ce phénomène négatif. Mais force est de constater que nous subissons doublement, c'est-à-dire comme tous les peuples d'abord et comme musulmans ensuite, et ce, à cause à la fois de la politique du deux poids deux mesures dirigée contre nous et de nos retards dans nombre de domaines, malgré nos immenses richesses. Le système mondial nous vise et nous considère comme son ennemi. Cette situation nous impose au moins deux questions. La première, pourquoi, la mondialisation qui prétend être le parangon moderne et unique du progrès, se traduit, comme nous l'avons dit, par l'insécurité, le non-sens, l'immoralité et l'absence de valeurs? Cette question doit nécessairement recevoir une réponse objective. L'Occident fonde, aujourd'hui, son système sur trois références ou piliers ambivalents: les sciences exactes et la technologie, la technoscience; le capitalisme, le libéralisme sauvage et la laïcité outrancière. Ces trois bases ou références, selon l'Occident, sont imposables et inéluctables à toute société qui aspire à la renaissance et au progrès. Ainsi, il refuse tout dialogue constructif, toute critique, ou tout avis sur ces références qu'il considère comme axiome. Cependant, quels que soient son refus et son obstination, il ne pourra nous empêcher d'émettre notre point de vue de bon sens sur ces questions. Alors, nous disons que se baser sur les sciences exactes et la technologie n'est pas seulement un principe acceptable, mais surtout un principe revendiqué. Cependant, et là est l'essentiel, ce principe doit être basé, d'une part, sur des valeurs morales, et il doit être un moyen d'atteindre des buts nobles, d'autre part. Ne dit-on pas «science sans conscience n'est que ruine de l'âme»? Il va sans dire que pour tout détenteur de pensée objective, la technologie n'est jamais neutre. Pour le deuxième point, le capitalisme, chacun sait qu'il est le terreau de l'épanouissement du marché libre, du respect de la propriété privée et comme source de production et de réalisation de richesse. Tout cela est raisonnable, souhaitable et acceptable, mais le libéralisme sauvage en même temps déstabilise les fondements de la société et suscite des déséquilibres et injustices, puisque sa pratique réelle, c'est l'appétit insatiable, la jouissance à tout prix et l'adoration du veau d'or avec la prétention et la volonté de tout posséder. Si la logique de l'économie de marché n'est pas observée dans un cadre de justice sociale et de respect des valeurs morales et spirituelles, elle devient alors un danger menaçant la nature humaine, la cohérence sociale et le devenir de l'humanité. La guerre du développement cohérent et universel a commencé.Elle ne peut être gagnée que si l'on base nos actions sur les études scientifiques adaptées à nos réalités, le raisonnement et l'éducation des citoyens. Il est temps de sortir des fuites en avant et de l'imitation de modèles stériles. Les enjeux sont décisifs. Demain a déjà commencé.