Alors que les Australiens de Gold Mine of Algeria (GMA), partenaire de Sonatrach dans l'exploitation de la mine d'or d'Amesmessa (Tamanrasset), sont soupçonnés d'enfreindre les dispositions de la loi minière, plusieurs investigations sont menées par le parquet d'Alger, appuyé essentiellement par ceux de Ouargla et de Tamanrasset, wilaya dans laquelle siège la direction régionale de l'Enor (Entreprise nationale, extraction et traitement du minerai d'or). Certaines parties ont été auditionnées, hier, par la police judiciaire de Tamanrasset, dans le cadre d'une enquête approfondie sur cette affaire d'Enor, avons-nous appris de sources proches du dossier. C'est le dernier épisode en date depuis l'ouverture d'une instruction par le procureur général près la cour d'Alger, relative à cette affaire. En tout cas, l'émergence de Gold Mine of Algeria (GMA), créée à quelques semaines seulement avant les soumissions pour un appel d'offres au partenariat avec Enor, les conditions d'octroi du marché et les comportements troublants de certains responsables de GMA s'avèrent être un curieux amalgame qui risque de prendre le caractère d'un gros scandale. Les comptes de GMA, les lignes de crédit, les factures, les salaires et les transferts sont autant de questions d'une importance primordiale qui intéressent aussi la brigade financière et économique relevant du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Le flash-back de cette affaire s'articule autour de trois questions principales : comment GMA a-t-elle été sélectionnée pour prendre des participations dans Enor alors qu'elle n'a aucune activité minière dans le monde ? Quel est le bilan de cette société depuis son implantation en Algérie en tant que partenaire de Sonatrach à hauteur de 52% ? Et pourquoi les Australiens de GMA ont décidé de recourir aux capitaux étrangers pour renflouer les caisses de la société, quitte à nager à contre-courant de la réglementation algérienne ? En 2002, les instances algériennes, en charge du patrimoine minier, ont lancé un appel d'offres au partenariat avec Enor qui disposait déjà d'une usine de production à Tirek, à 50 km d'Amesmessa, réalisée par des Sud-Africains. Après étude et analyses des différents critères déterminant le choix du futur partenaire d'Enor, il a été arrêté un critère et une condition, à savoir l'augmentation de la valeur nominale des actions d'Enor et la participation à 50% au minimum dans le capital social de cette entreprise. L'ouverture des plis des offres commerciales, le 29 mai 2002, en présence de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, a donné pour seul gagnant la compagnie australienne Gold Mine of Algeria. Nous ignorons jusqu'ici la liste qui comprend l'ensemble des compagnies soumissionnaires, malgré nos multiples tentatives auprès d'Enor et du ministère de l'Energie et des Mines. Selon certaines indiscrétions, GMA aurait été créée à quelques semaines avant la date de soumission pour un appel d'offres au partenariat ouvert d'Enor. Nos recherches se sont soldées par des conclusions étonnantes : GMA est immatriculée en Australie, siège à Londres et active uniquement dans les champs du minerai d'or de Tirek et Amesmessa à Tamanrasset et ne détient donc aucun autre marché minier dans le monde. La première question qui s'impose est celle de savoir pourquoi le comité d'évaluation des offres avait opté pour GMA, alors que l'entreprise semble n'avoir aucune expérience dans l'exploitation des mines d'or ? GMA devient ainsi actionnaire majoritaire dans Enor (52% des actions), alors que Sonatrach a été reléguée à la position d'actionnaire minoritaire (48%), en dépit même de la cession, en avril 2006, par les actionnaires d'ENOR, en l'occurrence la Banque d'Algérie, SAA, ENOF, SGP Somines, Agenor et ORGM, de leurs actions détenues dans ENOR à l'actionnaire Sonatrach SPP. Les banques algériennes au secours des Australiens Selon les termes de cet actionnariat, GMA apportera de nouveaux capitaux afin d'augmenter le capital social d'Enor, une opération qui permettra à l'entreprise de disposer d'un meilleur équilibre pour se concentrer sur son développement. Cet apport financier, de l'ordre de 14 millions de dollars d'après nos informations, devait être accompagné d'un apport logistique qui consiste à acquérir un broyeur géant afin de rentabiliser l'approvisionnement de l'usine de Tirek en minerai. Cependant, cette acquisition d'ordre logistique n'a jamais eu lieu. Sollicité pour une interview, le directeur général d'Enor n'a pas voulu répondre à nos questions, alors qu'une source de la direction régionale de Tamanrasset nous a indiqué qu' « il n'y a jamais eu acquisition d'un broyeur géant, mais plutôt le transfert de l'unité de lixiviation du site Tirek, une propriété de l'Algérie, vers le site d'Amesmessa ». Effectivement, un récent rapport sur l'examen des activités de GMA, réalisé par son équipe de gestion, dirigée par l'intérimaire de l'ex-PDG Douglas Perkins, en l'occurrence Ken Crichton, fait état d'un transfert d'une unité de lixiviation à partir du site Tirek vers Amesmessa. « La mise en service de cette unité a été plus lente que prévu et est maintenant attendue pour début juin 2010 », lit-on dans le rapport en question. GMA, qui bénéficiait ainsi de largesses inestimables depuis sa naissance en Algérie, a eu également droit à des lignes de crédit ouvertes par des banques algériennes. La valeur des crédits mis à la disposition des Australiens se chiffre à plusieurs dizaines de millions de dollars, d'après nos sources. Cette opération bancaire a suscité la curiosité des enquêteurs de la brigade économique et financière du DRS qui ont décidé de mener une série d'investigations à ce sujet. Plusieurs interrogations s'imposent : sur quelle base a été décidée cette opération d'allocation de crédits par les banques algériennes ? Quelles sont les conclusions du rapport des émissaires d'une banque publique à Tamanrasset, chargés d'enquêter sur le patrimoine de GMA ? Quelles sont les garanties données par GMA afin de pouvoir bénéficier des crédits de cette même banque ? Quoi qu'il en soit, les crédits ont été débloqués et les sommes sont consommées en un laps de temps record. Quelques mois plus tard, GMA fait part de ses premières difficultés financières, dues surtout au renoncement des banques d'inscrire de nouvelles sommes au crédit de GMA suite au surgissement des premières enquêtes contre GMA et Enor, mais aussi à la politique budgétaire des Australiens qui n'hésitent pas, semble-t-il, à brûler la chandelle par les deux bouts. Pour preuve, certains documents, dont nous disposons, montrent que les responsables de GMA ont loué à plusieurs reprises des aéronefs de Tassili Airlines à coups de millions de dinars. Ces mêmes responsables de GMA, dont certains ont démissionné suite à l'apparition des premières enquêtes, ont procédé à des importations de matériels usés et d'autres disponibles sur le marché algérien. C'est à ce moment que les Australiens décident de s'orienter vers les capitaux étrangers. Et pour attirer les investisseurs, le PDG de GMA a annoncé, depuis Londres, avoir découvert « le plus grand gisement d'or en Afrique après celui du Congo ». Comportements troublants De quoi attirer les convoitises et les capitaux étrangers après le renoncement des banques algériennes. Dans le communiqué du mois de mai 2010 de GMA, il est indiqué que les administrateurs de GMA sont en pourparlers avec des investisseurs potentiels, y compris les actionnaires existants, afin de garantir un fonds de roulement pour l'entreprise. « La levée de capitaux immédiate est destinée à fournir des fonds de roulement suffisants pour les opérations de la société jusqu'à ce que la nouvelle unité de lixiviation soit opérationnelle. » En novembre 2009, le groupe GMA Ressources a confirmé avoir cédé 9% de son capital, d'une valeur de 1,9 million de livres sterling, à l'entreprise égyptienne Asec Mining. Selon GMA, cette prise de participation devrait lui permettre de renflouer ses caisses pour les besoins de financer un nouveau plan de développement. Une fois de plus, l'opérateur australien a annoncé, en juillet dernier, la nécessité d'une nouvelle collecte de fonds afin de mettre sur les rails un plan d'investissement destiné à améliorer la production. L'objectif, cette fois-ci, étant de collecter une somme de 1,6 million de livres sterling. Mais les responsables australiens de GMA commettent, cette fois-ci, une erreur fatale. Ils viennent d'enfreindre la loi minière n°01-10, notamment dans son article 75 lié à la cession et le transfert des droits conférés par un titre minier. Effectivement, le contrat conclu récemment par GMA et l'égyptien Sahara Gold Limited, une filiale en propriété exclusive de SAE Ascom contrôlée par Citadel Capitals, a provoqué les foudres des autorités algériennes qui ont adressé, par le biais de l'Agence nationale du patrimoine minier, un dernier rappel à l'ordre à l'opérateur australien (voir encadré). GMA a annoncé également la nomination de Omar El Alfy en tant que directeur non exécutif, avec effet immédiat. Cette nomination intervient suite à la conclusion d'un accord de souscription portant sur l'achat, par Sahara Gold Limited, de 120 000 000 d'actions ordinaires d'une valeur de 0,01 livre chacune. GMA vient ainsi de commettre une erreur monumentale qui lui coûtera éventuellement cher. Parallèlement, les investigations menées par les instances judiciaires et les enquêteurs du DRS risquent de déboucher sur une grosse arnaque appelée « Gold Mine of Algeria ».