Y a-t-il de l'eau dans le gaz dans les relations entre les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite ? Certains spécialistes du Moyen-Orient le pensent. Ils citent en guise de preuve la récente décision de l'armée américaine de retirer quatre batteries de missiles Patriot d'Arabie Saoudite. Ces batteries Patriot avaient été déployées après les attaques de septembre contre deux sites pétroliers majeurs dans le royaume saoudien. Téhéran avait été accusé par Riyad et ses alliés occidentaux d'être responsable de ces attaques revendiquées par les rebelles houthis yéménites, qui avaient provoqué la suspension temporaire de la moitié de la production saoudienne. Le rapatriement de ces batteries de missiles signifie le retour aux Etats-Unis d'environ 300 soldats, spécialisés dans leur fonctionnement et leur entretien. Jeudi, l'armée américaine a justifié officiellement sa décision par la baisse de la menace que représente l'Iran pour les intérêts américains dans la région. «Tout le monde savait que c'était temporaire, sauf si les choses s'envenimaient. Les choses ne se sont pas envenimées, elles devaient revenir», a expliqué un responsable du Pentagone à la presse américaine sous le sceau de l'anonymat. Rappel à l'ordre Est-ce réellement le cas ? «Pas vraiment», soutiennent des connaisseurs du Moyen-Orient qui indiquent que les tensions entre les Etats-Unis et l'Iran ne se sont pas estompées. Les raisons sont donc à chercher ailleurs. Ces mêmes sources pensent que le retrait d'Arabie Saoudite de ces batteries de missiles Patriot est destiné plutôt à «réprimander» le prince héritier Mohammed Ben Salmane. Pourquoi ? Il lui est reproché d'avoir mis en difficulté l'industrie pétrolière américaine après sa décision, fin mars, d'inonder le marché en pétrole par une baisse drastique du prix du baril. En agissant de la sorte, explique-t-on, «il a mis à mal son alliance avec Trump, l'homme auquel il doit sa survie» après l'affaire de l'assassinat du dissident Jamal Khashoggi. Trump est en effet allé loin pour le protéger. La Maison-Blanche reproche donc à Mohammed Ben Salmane d'avoir été «ingrat». L'agence de presse Reuters mentionne à ce propos que Donald Trump avait alors prit son téléphone le 2 avril dernier pour lancer un ultimatum au prince héritier saoudien. «Réduisez la production de pétrole, sinon les troupes américaines se retireront d'Arabie», s'est exclamé le président américain. MBS aurait été tellement surpris par la menace qu'il a ordonné à ses collaborateurs de quitter la salle afin qu'il puisse poursuivre la discussion en privé, selon une source américaine qui a été informée de la discussion par de hauts responsables de l'administration. «Nous défendons votre industrie pendant que vous détruisez la nôtre», a par ailleurs dit un haut responsable américain à un homologue saoudien. Une semaine avant l'appel entre Donald Trump et MBS, rappelle la presse américaine, les sénateurs républicains américains Kevin Cramer et Dan Sullivan avaient déposé une loi visant à retirer du royaume toutes les troupes américaines, les missiles Patriot et les systèmes de défense antimissiles, à moins que l'Arabie Saoudite ne réduise la production de pétrole. Kevin Cramer, le sénateur républicain du Dakota du Nord, a déclaré à Reuters qu'il avait parlé à Donald Trump de la législation en question concernant l'Arabie Saoudite le 30 mars, trois jours avant que le président n'appelle MBS. Pression permanente Bien que Mohammed Ben Salmane ait obtempéré et que l'OPEP+ ait réduit considérablement sa production, Donald Trump a tout de même fini par mettre à exécution en partie sa menace, une manière sans doute de maintenir une pression constante sur Riyad. Mohammed Ben Salmane est-il définitivement «grillé» auprès de l'administration américaine ? Difficile à dire. En tout cas, c'est la première fois, depuis la lune de miel entamée en 2017 entre les Etats-Unis de Trump et l'Arabie de Mohammed Ben Salmane, qu'un tel différend est étalé publiquement par des sources américaines. La défense du royaume saoudien est assurée par le parapluie militaire américain depuis 75 ans. Sans cette protection, il est certain que les Al Saoud perdraient considérablement de leur influence dans la région autant qu'ils deviendraient une proie plus facile pour l'Iran. Mohammed Ben Salmane avait sans doute oublié cette dure réalité.