Presque une année est passée et la famille Hamza de Annaba ignore toujours les circonstances exactes ayant entraîné la mort de son fils Ikram. Ce jeune harrag de 32 ans a péri, le 6 août 2009 dans un terrible accident en mer, causant également de graves blessures à 18 autres candidats à l'émigration clandestine. Cette famille et celles des 18 autres blessés de cet accident s'interrogent aussi sur les conclusions de la commission d'enquête, composée de quatre officiers supérieurs que le commandement des forces navales avait dépêchés à Annaba, quelques jours après le drame. « C'est une indifférence révoltante. Nous n'arrivons pas à faire le deuil de mon frère Ikram car, à ce jour, on ne sait pas comment et pourquoi il est mort. Cela fait presque une année qu'il est décédé et personne n'a daigné répondre officiellement à nos interrogations. Mais, il y a bien une justice divine et ceux qui ont tué mon frère auront à s'expliquer devant le Tout Puissant », nous dira, non sans une pointe d'amertume, Hicham Hamza, le frère aîné de la victime. Ainsi, et en l'absence de toute version officielle, le doute qui a, des mois durant, entouré cette affaire reste intact. La fatidique nuit du jeudi 6 août 2009, lorsque l'embarcation de fortune, à bord de laquelle Ikram et 21 autres harraga avaient pris place dans une tentative de rejoindre la Sardaigne, est entrée en collision frontale avec l'unité semi-rigide des garde-côtes qui les poursuivaient. Alors sont nées les divergences sur la véritable version des faits. Le premier responsable de la station maritime principale des garde-côtes affirme qu'« il y avait trois embarcations interceptées par ses services. Après une course-poursuite, les harraga, dont le jeune Ikram,qui se trouvait dans la première embarcation, ont réagi d'une façon très bizarre. Dès qu'ils ont été interceptés, soit vers 00h45, ils ont refusé de se plier aux injonctions des éléments de la Marine nationale. Ils ont carrément foncé sur l'unité des garde-côtes. C'est ce qui a causé des blessures plus ou moins graves à plus d'une dizaine d'entre eux et le décès de Ikram Hamza, en plus du fait que l'embarcation ait coulé ». De l'autre côté, des victimes, qui se disent prêts à témoigner devant n'importe quelle juridiction du monde, soutiennent ceci : « Nous étions au large de oued Samhout et il était 00h15, soit près d'un quart d'heure après avoir appareillé, lorsque nous avons été surpris par trois unités semi-rigides des garde-côtes, dont une impressionnante semi-rigide 360. Deux de ces unités sont parties pourchasser les deux autres embarcations. La troisième est restée sur place. Nous savions que nous ne pouvions plus bouger. ‘'Errayès'' (le passeur) a dû arrêter le moteur et nous nous apprêtions à rejoindre la terre ferme. C'est à ce moment-là que les garde-côtes ont commencé à nous lancer des bonbonnes d'eau de 20 litres et des bouées de sauvetage, avant que l'ordre de foncer frontalement sur notre embarcation n'ait été donné par leur supérieur ». Ce témoignage corroboré par la majorité des 18 blessés, a servi de base à la famille Hamza et à celle du jeune Mohamed Chérif Chérirou, ami et compagnon de voyage d'Ikram et sur qui pèse toujours le risque d'amputation de ses deux jambes, des suites de ses blessures, pour songer à une action judiciaire à l'encontre de la marine nationale. Néanmoins, leur démarche n'a pas été possible. Après maintes tentatives, indique Hicham, les deux familles s'étaient heurtées au rejet de leur requête.