A ce jour, ni autorités officielles nationales et locales ni les élus n'ont daigné réagir au drame vécu par des harraga dans la nuit de jeudi à vendredi passé ayant coûté la vie au jeune Ikram Hamza et causé de graves blessures à 18 autres. « C'est l'indifférence la plus totale », s'indignent leurs parents. La famille d'Ikram ignore toujours les circonstances et les causes exactes du décès de leur enfant ravi à la fleur de l'âge : il n'avait que 32 ans. Selon son frère aîné Hicham, les résultats de l'autopsie demeurent inconnus puisque le certificat du médecin légiste est entre les mains du procureur de la République près le tribunal de Annaba. C'est sur la base de ce document médico-légal qu'ils comptent engager une action judiciaire à l'encontre de la Marine nationale. « J'ai été voir le procureur de la République à plusieurs reprises pour déposer une plainte à l'encontre des garde-côtes qui sont à l'origine de la mort de mon frère Ikram. A chaque fois il me dit de temporiser sous prétexte que ses services ont déjà ouvert une enquête et qu'il faudra attendre encore. On ne peut déposer notre plainte sans les résultats de l'autopsie », affirme Hicham. Par ailleurs, rencontré au CHU Ibn Roch où il est toujours hospitalisé car souffrant de brûlures du deuxième degré, Mohamed Cherif Cherirou, l'un des 18 harraga rescapés, nous a, pour sa part, indiqué qu'il venait d'être interrogé par la police judiciaire sur les circonstances du drame. « Des éléments de la PJ sont venus me voir dans la journée de mardi. Pendant plus d'une heure, ils m'ont interrogé sur les circonstances de ce qui nous est arrivé dans la nuit de jeudi. Ils m'ont même demandé si je pouvais reconnaître en cas de confrontation les garde-côtes qui étaient à bord de l'unité semi-rigide au moment de sa collision intentionnelle avec notre embarcation. » Au même titre que Mehdi, un autre rescapé, affirme et réaffirme que l'unité 360 des garde-côtes était volontairement entrée en collision frontale avec leur embarcation. « Je suis prêt à témoigner devant toutes les juridictions du monde, quitte à passer le reste de ma vie derrière les barreaux », assure Mohamed Cherif, dit Ali. Ikram, Mehdi et lui étaient assis côte à côte au moment de la collision. Une version que conteste toujours Zaïdi Abdelaziz, chef de la station maritime principale des garde-côtes de Annaba : « Après le refus de se soumettre à l'ordre de s'arrêter, une coursepoursuite s'est engagée entre les éléments du GTGC et les deux embarcations de harraga. Sachant qu'ils n'avaient aucune possibilité de s'échapper, ils ont provoqué la collision pour provoquer des brèches. Inévitablement, le choc a été absorbé par leur embarcation. » En outre, nous avons appris dans la soirée de mercredi et ce auprès de sources sûres, qu'une commission d'enquête aurait été dépêchée à Annaba lundi dernier par le commandement des forces navales. Elle serait composée de quatre officiers supérieurs. Nos maintes tentatives de le confirmer ou de l'infirmer ont été vaines. Le chef de la cellule de communication de ces mêmes forces navales, en l'occurrence le lieutenant- colonel Slimane Defairi, est resté injoignable. Son téléphone portable était éteint jusqu'à la fin de l'après-midi de jeudi. Le « marché » d'Ikram avec M6 Chebla, c'était le pseudo qu'avait utilisé une journaliste de la chaîne française M6 dans ses différents entretiens téléphoniques et par internet avec ses interlocuteurs algériens. Elle voulait faire un reportage sur les harraga pour le compte de l'émission "Zone Interdite" diffusée par la même chaîne. Ironie du sort, car c'est Ikram Hamza, le jeune harrag décédé dans la drame de vendredi dernier, qui avait proposé cette idée à la chaîne française en navigant sur son site internet. Les responsables de la rédaction de "Zone Interdite" avaient mordu à l'hameçon en dépêchant leur envoyée spéciale Chebla. Cela remonte exactement au mois d'août 2007, ont indiqué Hicham et Mohamed Cherif Cherirou, respectivement frère aîné et ami du défunt Ikram. « Ikram était la tête pensante du groupe. C'était lui l'intermédiaire entre nous et la journaliste de M6 qui se faisait appeler Chebla. Au terme de plusieurs jours de négociations aussi bien par téléphone que par courriers électroniques, elle avait fini par se déplacer à Annaba via la Tunisie », précise Hicham. Avec son interlocutrice française, le groupe de jeunes, tous issus du quartier Oued Kouba, avait convenu que le reportage traite de toutes les étapes préalables au voyage « el harga », soit du début des négociations avec le passeur, du prix du « billet » à l'embarquement. Il était même question qu'elle fasse le voyage avec le groupe de candidats à l'expédition vers les côtes sardes. « Une fois arrivée à Annaba, elle croyait pouvoir nous leurrer en nous proposant 600 000 DA en contrepartie du produit que nous lui avions proposé. Tout portait à croire que nous avions affaire à une journaliste des plus averties, elle était même très rusée. C'est à ce moment qu'était intervenu Ikram », poursuit Hicham. Mais Ikram leur avait préconisé un autre marché : « Puisque nous sommes tous au chômage, demandez-lui de nous acheter un camion auprès de la maison Toyota. Avec ce camion, nous pourrons tous travailler dans le transport de marchandises », leur avait-il proposé. Un marché qu'avait fini par refuser de conclure l'envoyée spéciale de M6 après un séjour à Annaba de plus d'une semaine. « Elle était repartie une semaine après une série de rendez-vous avec nous, mais aussi avec les harraga qui allaient partir. Elle avait estimé notre proposition exagérée. D'ailleurs, tous les copains du quartier ne cessaient de s'interroger sur les raisons de la présence d'une femme étrangère parmi le groupe », conclut Hicham. Ainsi, en ayant cette insolite idée de « vendre » un reportage sur les harraga en Algérie, Ikram ne se doutait pas qu'il allait lui-même faire la une des médias dans une dramatique affaire de…. harraga