C'est devenu un rite sacralisé. Les professions de foi de l'UGCAA ou encore celles du département du Commerce n'y pourront rien. La mercuriale flambe à une semaine du mois de Ramadhan. Même si les produits de large consommation sont disponibles, la hausse n'en épargne aucun. Hier, au marché Tnach de Belcourt, pas de bousculade. Cédée, il y a une semaine, entre 20 et 30 DA, la pomme de terre caracole à 50 DA. Même seuil pour le prix des oignons. L'aubergine et la carotte sont écoulées respectivement à 40 et 55 DA le kilo. Par contre, le piment est proposé à hauteur de 80 DA le kilo, alors que le poivron est cédé à 70 DA. Le kilo de citron et celui du choux sont proposés à 100 DA chacun. Les prix des fruits sont également inabordables. Le melon culmine à 100 DA/kg, la banane à 120 DA, la pastèque à 30 DA, les pommes entre 50 et 70 DA le kilo. Les poires oscillent entre 150 et 200 DA/kg. Les raisins tournent autour de 70 à 90 DA/kg. Les prix des dattes, prisées par les jeûneurs, donnent le tournis : ils oscillent entre 350 et 410 DA/kg. Entamée au début de l'été, la hausse en douceur des prix énerve les consommateurs, dont le pouvoir d'achat est continuellement mis à rude épreuve. « On n'est pas encore en plein mois de Ramadhan que les prix montent en flèche. Je ne sais pas comment m'y prendre. A ce rythme, je contracterai un crédit auprès des amis et de la famille, comme l'année passée, pour subvenir à mes besoins », se plaint une quadragénaire tenant un vieux couffin presque vide. Elle s'en prend, d'une part, aux commerçants, les accusant d'être « de voraces rapaces » et, d'autre part, égratigne le ministère du Commerce : « On nous parle de prix abordables. C'est vrai qu'ils sont abordables, pour eux, les gens d'en-haut. Le petit peuple, par contre, est condamné à survivre. C'est une honte pour un pays de pétrodollars ! » A quelques mètres de là, un homme, la barbe hirsute, vêtu de guenilles, fouille de ses mains un coin où sont amoncelés des fruits et légumes avariés. La scène n'émeut presque personne… Changement de décor. Au marché couvert Ali Mellah, non loin de la place du 1er Mai, pas de rush. Un calme olympien règne. Les prix des fruits et légumes sont pratiquement les mêmes, avec une variation de 5 à 10 DA. Approchés, des marchands de fruits et légumes se veulent au-dessus de tout reproche : « Notre marge bénéficiaire n'est pas celle que tout le monde pense. Nous vendons en fonction de nos approvisionnements du marché de gros. Quand ça monte, nous répercutons les prix. Nous n'avons pas le choix. Il y va de notre commerce », tente de convaincre un marchand, interpellé par une veille femme qui lui reproche sévèrement de faire monter les enchères. Lui préfère jeter la pierre aux mandataires et autres intermédiaires. A deux pas, aux rayons des viandes, peu de monde ose franchir le seuil. Ils ont de bonnes raisons : le kilo de la viande bovine et ovine est cédé respectivement à 800 et à 650 DA. « Mon maigre salaire ne me permet pas un tel luxe. Ce n'est plus comme avant. Je préfère le poulet. Sauf que les prix commencent à prendre de la hauteur. Il y a quelques jours, il était cédé à 250 DA », déplore un homme aux allures de patriarche. En effet, les prix varient entre 350 et 400 DA le kilo. Pas de quoi rassurer le moral en berne des ménages. Pas d'affichage des prix C'est devenu une pratique. Que ce soit au marché Tnach ou à Ali Mellah, les prix, sur les étals, ne sont pas affichés, au grand dam des consommateurs. Beaucoup de citoyens interrogés soupçonnent les commerçants de manipuler les prix. « C'est une entorse à la réglementation. Certains commerçants écoulent leur marchandise à leur guise. Or, si les prix sont affichés, ils ne peuvent pas tromper la vigilance des citoyens. Malheureusement, il n'y a aucun contrôle. Le marché est livré à lui-même », peste Mohamed, fonctionnaire dans une entreprise privée, rencontré sur les lieux. En sus des prix qu'il juge « hors de portée », notre interlocuteur ne manque pas d'accuser les services de contrôle du ministère du Commerce de fermer les yeux sur ces graves atteintes aux droits des consommateurs. « La complaisance est partout. Sinon, comment expliquer que les tarifs ne soient pas affichés ? », ajoute-t-il. Seuls 4500 agents de contrôles sont affectés pour surveiller 1,3 million de commerçants en Algérie. Les services du ministère du Commerce avouent ne pas avoir les moyens de faire face à un marché désorganisé. Même les deux nouvelles lois sur la concurrence et les pratiques commerciales, censées réguler le marché, lutter contre la spéculation et autres pratiques frauduleuses, ne seront pas appliquées de sitôt.