Les Algériens avaient déjà dans l'esprit le mois de Ramadhan même quand ils étaient en vacances estivales. Alors qu'ils passaient des moments de repos, de détente, ils évoquaient les habitudes de ce mois sacré. En effet, il y a longtemps que ce mois de piété et de tolérance n'est pas en été. C'est pour cette raison que la population l'aborde cette année avec appréhension, notamment en ce qui concerne le budget. C'est connu, les Algériens veulent améliorer leur niveau de vie pendant le mois d'août, quitte à en souffrir le reste de l'année. Ce mois est aussi celui des dépenses périodiques : les fêtes de mariage, les visites de proches, et la rentrée scolaire qui pointe son nez. C'est dire que, financièrement, les citoyens sont tenus de faire davantage d'efforts pour pouvoir passer ce mois comme ils le souhaitent. Le calcul est valable pour les familles qui maintiennent encore un pouvoir d'achat solide devant la cherté de la vie. Pour les familles à faible revenu, il est inutile de se livrer à une gymnastique : on se contente de l'essentiel, en attendant des années meilleures. Les tarifs de consommation sont en perpétuelle hausse. L'appréhension des citoyens est aussi liée au mode de consommation. Le passage d'un mois où ils ne s'adonnent qu'aux produits rafraîchissants (limonades, jus, glaces…) vers un autre de jeûne est loin d'être une sinécure. Il faudrait avoir un moral d'acier et une bonne dose de conviction. Ainsi, il sera ainsi dur de résister à la soif avec les chaleurs de septembre. En abandonnant la détente et les largesses de l'été pour la résistance et les rites du Ramadhan, rien ne dit que le corps supportera les exigences du devoir. Car, qu'on ait pris des vacances ou non, on s'accorde toujours des largesses en période estivale. Un comportement qu'on doit abandonner au premier jour du mois de carême. Pour le Ramadhan, que reste-t-il aux ménages ? Il restera à trouver une meilleure organisation de ses achats de chercher un mode de consommation qui ne nuirait pas aussi bien à sa santé qu'à son budget. Car ce mois n'est pas seulement celui de la consommation comme semblent le présenter beaucoup de gens. Cette tendance à faire du Ramadhan exclusivement un mois de l'excès de consommation n'est pas sans faire des mécontents parmi les Algériens. Lyes vient de reprendre le chemin du travail après un mois de congé. Son retour coïncide avec le premier jour du Ramadhan. Pour lui, les médias jouent un mauvais rôle dans l'éducation de la société. «Ce n'est pas normal que la télévision et les chaînes de radio émettent des émissions consacrées à la bouffe. Cela risque de se répercuter négativement sur la santé des citoyens. Au lieu de rappeler aux gens ce que devrait être ce mois, on les oriente vers les mauvaises habitudes en les encourageant à un excès de consommation», fera-t-il remarquer à ses collègues. «Inculquer les bonnes traditions, c'est du devoir de l'élite et des médias lourds. Franchement, c'est décevant de constater ce genre d'émission», ajoute Lyes. Dans les marchés, le Ramadhan impose aussi son ambiance avec l'élément qui revient chaque année, à savoir la flambée des prix, notamment ceux des produits de large consommation. La hausse a été annoncée à quelques semaines du mois de jeûne. Une flambée ayant écourté la période de baisse des prix pendant le mois d'août qui a vu les Algériens se procurer de la pomme de terre à moins e 15 dinars. Le mois de Ramadhan vient manifestement consacrer la défaite du consommateur. Face à une flambée vertigineuse des prix des produits, l'Algérien ne sait plus à quel saint se vouer. Il est ainsi tenu de n'acheter que les aliments essentiels. Même à ce niveau, ce n'est pas vraiment abordable. Ce qui se vérifie visiblement dans les méandres des marchés de la capitale où les pères et les mères de famille trouvent des difficultés à remplir le couffin tant les tarifs sont élevés. «Je ne sais plus par où commencer. C'est inabordable. La courgette à 80 DA, le haricot à 90 DA, nous n'avons pas vécu ça pendant toute l'année», annonce une vieille à sa voisine de l'immeuble. Côté légumes, seul le prix de l'oignon est resté accessible même aux ménages à faible revenu. A un degré moindre, la pomme de terre dont le prix oscille entre 20 et 35 DA. Le consommateur croise les doigts pour que ce prix ne flambe pas. Le consommateur ne trouve pas plus son compte chez les bouchers dont les prix ont atteint un niveau exorbitant. La viande rouge est cédée entre 60 et 90 dinars. «Le prix de la viande est excessif», lance, au marché Ali Mellah, un vieux à son fils qui lui demande combien de kilos il a achetés. On remarquera dans les marchés que la demande est forte. De même pour l'offre. Ce qui signifie que les prix ne devraient pas connaître de hausse. Mais c'est compter sans les ressorts et la machine de l'inflation qui régule la mercuriale à la place des autorités. Les commerçants ont la parade pour justifier toute hausse de prix. Pour eux, la responsabilité d'une telle augmentation des tarifs est à chercher chez les grossistes. Ces derniers renvoient la balle chez les producteurs qui parleront des dépenses les contraignant à vendre cher. Parmi les contraintes, les impôts. «Moi, je vends de la qualité. Et celui qui veut consommer un produit de qualité doit en payer le prix», réagit un vendeur de légumes à ses clients qui se plaignaient des tarifs de la vente. Il ajoute : «Il n'y a rien à faire. C'est les grossistes qui veulent ça.» La désorganisation à ce niveau semble atteindre des proportions à même de douter de l'efficience de toute opération de contrôle ou de régulation. Pendant que ces différents acteurs du marché se renvoient la balle, le consommateur continue de subir la flambée des prix. «On n'y peut rien», se résigne un retraité après avoir subi le diktat d'un commerçant. Des observateurs n'ont pas ainsi tort de suggérer la création d'une union nationale de défense du consommateur. Pour eux, c'est le seul moyen de freiner ce genre de pratiques qui pèsent lourdement sur le quotidien des Algériens. La proposition est intéressante dans le sens qu'elle incitera sans nul doute aussi bien la tutelle que les commerçants à reconsidérer le consommateur et à tenir compte de ses moyens. Sans associations ou autre cadre organisé, le consommateur a été réduit à subir la démission des autorités théoriquement en charge du secteur du commerce, ainsi que le marché transformé en concentré de spéculation. Soucieux des dérives que cumule le marché algérien, le chef de l'Etat a invité récemment les consommateurs à s'organiser. «Les citoyens doivent s'organiser en associations de consommateurs auxquelles l'Etat est disposé à apporter son plein soutien. Mais les pouvoirs publics, et, au premier chef, les administrations chargées du contrôle commercial et de la qualité ont pour devoir de se mobiliser et de veiller au respect des lois par chacun», a-t-il déclaré. Y a-t-il des mesures prises pour endiguer la flambée des prix ? Officiellement, les mesures ne manquent pas. Leur impact néanmoins sur le terrain est presque insignifiant. Les dernières mesures prises par le ministère du Commerce risquent de se révéler un prêche dans le désert.