Quand les « femmes passées sous silence » l'ouvrent, cela s'entend de très loin. Un collectif d'auteurs performant et des comédiennes talentueuses, l'assemblage de ce montage théâtral est décapant. Avignon. De notre envoyé spécial Les comédiennes sont trois à occuper l'espace scénique improbable d'une parole féminine à prendre quoi qu'il en coûte. Cela ne se passe pas sur une scène d'Alger ou de Téhéran, où la femme est l'objet d'interdits et de contraintes pesantes, ni sur un terrain de conflit, où elles font partie du butin de guerre… Cela s'est déroulé sur les planches du théâtre Le Chêne noir, au festival Off d'Avignon, tout au long du mois de juillet, jusqu'au 31. Ces situations d'abaissement de la femme, de destruction de ses aspirations à être elle-même, sont l'objet d'une pièce intitulée Femmes passées sous silence, interprétée par trois comédiennes remarquables : Flavie Avargues, Vanessa Bettane, Caroline Filipek, avec une mise en scène de François Boursier. Les textes de plusieurs auteurs sont la base de cette création théâtrale. Ils sont multiples, et leurs noms permettent de se faire une idée sur les origines diverses : Olivier Brunhes (Violence faite aux femmes), Matéi Visniec (Le sexe de la femme comme champ de bataille), Sergès Ngounga (Lettre à ma fille), Rachida Madani (Blessures au vent), Hôma Azar, Alain Guyard (Les femmes syndicalistes), ou encore, car la liste est longue, Anne de Commines, avec ce superbe titre de texte : Le cri miné. Ce spectacle singulier et attachant, malgré certains passages très violents, parce que réaliste, donne à ressentir la réalité de l'oppression de la femme. Assourdissant cri ! L'écueil aurait été de limiter ce miroir aux excès, que la planète connaît particulièrement dans les régimes tels celui des talibans en Afghanistan, ou des barbaries commises sur le front guerrier, parfois en Europe, comme en Serbie et Bosnie, où le corps de la femme devient la possession du vainqueur. On n'a pas assez dénoncé le viol comme arme de combat. Là, comme dans d'autres spectacles donnés à Avignon, la dénonciation porte, portée par le talent des artistes. Mais le monde occidental est bien présent, avec le travail précaire destiné souvent aux femmes, le modèle physique auquel elle doit se soumettre, la domination masculine qui n'a ni religion ni pays. Des ces tableaux percutants, femmes et hommes en ressortent avec un malaise, et surtout le sentiment profond que la question féminine concerne toutes les rives du monde. Cela vaut l'écoute de ce silence rompu.