Le 17 juin 2010, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a alerté l'opinion publique internationale en publiant un rapport intitulé « La criminalité organisée, une menace mondiale pour la sécurité ». Démystification de ces véritables multinationales du crime. La prophétie de Brian de Palma dans son film culte Scarface s'est réalisée : « The world is yours », est devenu le leitmotiv des mafias à travers le monde. Le 17 juin dernier, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a publié un rapport intitulé « La criminalité organisée, une menace mondiale pour la sécurité ». S'il est difficile de mesurer la puissance et l'activité globale de ces organisations qui possèdent le culte du secret, le rapport avance des chiffres terrifiants lorsque l'on sait qu'ils ne représentent qu'un minimum, loin de la réalité. Par exemple, le marché européen de l'héroïne rapporte à lui seul 20 milliards de dollars. L'ONUDC estime que l'Afghanistan irrigue pour l'équivalent de 55 milliards de dollars le marché mondial chaque année. On estime à 10 milliards de dollars la valeur des produits de contrefaçon interceptés aux frontières européennes en 2009. Chaque année, entre 2,5 et 3 millions de personnes font l'objet du trafic de migrants entre l'Amérique latine et les Etats-Unis rapportant 7 milliards de dollars aux trafiquants. L'ONU a tenté, il y a une dizaine d'années, de mesurer les revenus mondiaux des organisations criminelles transnationales (OCT), les estimant assez vaguement à 1000 milliards de dollars. Ce montant équivaut au produit national brut (PNB) combiné des pays à faible revenu (selon la catégorisation de la Banque mondiale) et de leurs trois milliards d'habitants, plaçant ces mafias parmi les premières puissances économiques armées de la planète. Au point de constituer une menace mondiale pour la sécurité des populations, mais aussi pour la souveraineté des Etats. Parrains ultralibéraux La plupart des mafias ont plus de 200 ans d'existence. Elles ont réussi à se développer du fait d'un vide du pouvoir. Très résistantes, elles ont par exemple survécu au fascisme (Cosa Nostra) ou au communisme (Triades chinoises), systèmes politiques aboutissant au contrôle très étroit de leur population, et étouffant ainsi toute tentative de mouvances parallèles. Les mafias, et c'est là un paradoxe saisissant, ont besoin de démocratie ou, du moins, de libertés pour croître. Roberto Saviano, auteur du livre-choc Gommora et spécialiste des mafias italiennes, expliquait que « la logique de l'entreprenariat criminel et la vision des parrains sont empreintes d'un ultralibéralisme radical. Les règles sont dictées et imposées par les affaires, par l'obligation de faire du profit et de vaincre la concurrence ». Car la criminalité organisée est en mesure de réagir aux changements économiques beaucoup plus rapidement que les entreprises légales. Deux semaines seulement après l'effondrement en 2008 de la Northern Rock (banque britannique) et sa nationalisation, une organisation criminelle était déjà en possession des noms, des données et des contacts de tous les anciens clients de la banque. Ces informations ont été utilisées pour leur proposer de nouveaux investissements en apparence parfaitement licites, mais qui, en réalité, étaient illégaux. Pétrole blanc Fait nouveau, il est constaté l'existence de véritables échanges entre les organisations criminelles transnationales. Les Turcs, par exemple, donnent aux Italiens et aux Espagnols des armes contre de la cocaïne. Ces échanges suppléent aux carences du marché. Autre aperçu de cette mondialisation du crime, le pouvoir de la mafia nigériane qui a augmenté de manière vertigineuse depuis qu'elle a accaparé le marché du « pétrole blanc », la cocaïne, qu'elle achète directement aux narcotrafiquants mexicains. Sa puissance est telle qu'une ville italienne, Castel Volturno, dans la région de Naples, est totalement contrôlée par les Nigérians. La Camorra la leur ayant cédée pour faciliter les affaires. Le terrorisme islamiste a lui aussi tiré avantage du manque d'attention des gouvernements européens au trafic de stupéfiants. Le cas le plus emblématique est celui des attentats de 2004 en Espagne, entièrement financés par le trafic de haschich vendu en Italie et en France. Les liens entre Al Qaîda et les narcotrafiquants sud-américains tendent à confirmer cette logique. Une alliance existe, en effet, entre ces deux organisations, pour transporter et acheminer de la cocaïne depuis l'Afrique de l'Ouest où elle est livrée, pour remonter en Europe via le Sahel. Face à cette pieuvre aux multiples tentacules, la mythologie véhiculée par les films et la littérature doit désormais faire place à la défiance et à la lutte. Les principales mafias : Cosa Nostra (Sicile et Etats-Unis). Aussi appelée « l'honorable société », c'est elle qui a donné naissance au concept de mafia. Après la Seconde Guerre mondiale, l'organisation va devenir extrêmement puissante, notamment du fait de sa relation privilégiée avec les familles new-yorkaises d'origine sicilienne. Comptant environ 5400 individus, le chiffre d'affaires actuel de Cosa Nostra serait d'environ 20 milliards d'euros. Camorra (région de Naples). Mafia née à Naples au début du XIXe siècle. Dès 1863, l'historien Marco Monnier la définissait comme « l'extorsion organisée, une société secrète populaire dont la finalité est le mal ». Elle compte 7200 initiés, les camorristes, regroupés dans 236 familles. Elle est la plus vieille organisation criminelle d'Italie. Selon l'agence Eurispes, le chiffre d'affaires de la Camorra est évalué à 12,5 milliards d'euros. ‘Ndrangheta. Organisation mafieuse sévissant dans la région de Calabre, en Italie. Sous-estimée pendant longtemps, elle est aujourd'hui l'une des plus puissantes au monde. Avec un chiffre d'affaires estimé à 43 milliards d'euros en 2008, elle a fait l'objet d'une grande opération de la police italienne aboutissant à l'arrestation, le 15 juillet dernier, de 320 de ses membres ainsi que de son chef présumé Domenico Oppedisano. Yakuzas. Mafieux originaires du Japon, ils seraient plus de 84 000 aujourd'hui à travers le monde. Très puissants, les clans yakuzas affirment descendre des Machi-Yokko (littéralement « serviteurs des villes »), samouraïs sans maître qui protégeaient les villageois.