La démarche empruntée par le président américain, Donald Trump, pour contenir les manifestations antiracistes historiques suscitées par la mort, le 25 mai dernier à Minneapolis, de l'Afro-Américain George Floyd, se heurte à des oppositions au sein même de l'administration dirigée par le milliardaire. Le premier à avoir émis des objections est le secrétaire à la Défense américain, Mark Esper. Il s'est opposé, mercredi, à l'idée de déployer l'armée sur le territoire américain. Mark Esper a clairement marqué son désaccord avec Donald Trump qui l'avait suggéré quelques jours plus tôt. «Je ne suis pas favorable à décréter l'état d'insurrection» qui permettrait au président américain, Donald Trump, de déployer des soldats d'active face à des citoyens américains, et non plus des réservistes de la Garde nationale, a déclaré M. Esper au cours d'une conférence de presse. «L'option d'utiliser les soldats d'active ne devrait être employée qu'en dernier ressort et dans les situations les plus urgentes et les plus dramatiques. Nous ne sommes pas dans ce genre de situations aujourd'hui», a ajouté M. Esper. La décision du chef du Pentagone d'exclure le recours à l'armée face aux manifestations a fini par contraindre le président américain a faire machine arrière. Cette séquence confirme que le fossé commence à se creuser entre l'armée américaine et le président américain qui se trouve ainsi désavoué publiquement. L'ex-patron du Pentagone, James Mattis, a lui aussi critiqué la gestion du président américain du mouvement de protestation né du meurtre de George Floyd. «De mon vivant, Donald Trump est le premier Président qui n'essaie pas d'unir le peuple américain – qui ne feint même pas d'essayer. Au lieu de cela, il tente de nous diviser. Nous sommes témoins des conséquences de trois années de cet effort délibéré», a déclaré l'ex-locataire du Pentagone. Ces deux sorties auront certainement un impact sur la présidentielle de novembre prochain à laquelle se présente Donald Trump, surtout que les militaires sont très écoutés aux Etats-Unis. «Pas de justice, pas de paix» Dans la rue, les manifestations contre le racisme se sont poursuivies partout aux Etats-Unis. Les manifestants sont sortis samedi par millions dans les rues des grandes villes américaines. Ils étaient pacifiques mais déterminés à en finir avec le racisme. Une foule dense a envahi les rues de la capitale fédérale américaine, aux abords de la Maison-Blanche, du Capitole ou encore du mémorial de Lincoln. C'est devant cet imposant monument que le pasteur d'Atlanta, Martin Luther King, avait, le 28 août 1963, face à près de 250 000 personnes, lancé «I have a dream» dans un discours devenu une référence de la lutte des droits civiques. Sur l'imposant grillage dressé devant la résidence de Donald Trump, ont été accrochées les têtes de George Floyd, Michael Brown, Trayvon Martin, Breonna Taylor, des Afro-Américains tous morts aux mains de la police américaine ces dernières années. Dans une ambiance très familiale, les manifestants ont entonné tour à tour classiques du soul et slogans politiques comme «No Justice, No Peace, No racist Police !» (Pas de justice, Pas de paix, Pas de police raciste). Présente sur place, la maire de Washington, Muriel Bowser, cible des tweets moqueurs du président américain, a jugé qu'il était temps de dire : «Au suivant», en novembre, en référence à l'élection présidentielle prévue dans 150 jours. Après une première cérémonie émouvante à Minneapolis jeudi, les proches de George Floyd, qui a été asphyxié par un policier blanc lors d'une interpellation, lui ont rendu un nouvel hommage dans l'intimité familiale à Raeford, dans son Etat natal de Caroline du Nord. Ses obsèques sont prévues le 9 juin à Houston. Les nouveaux exemples de violences policières, notamment lors de la répression de ces protestations parfois violentes, nourrissent la colère à l'origine des manifestations qui secouent les Etats-Unis depuis plusieurs jours. C'est la raison pour laquelle les Américains entendent encore manifester pour dénoncer un racisme systémique et réclamer un véritable changement.