Après les manifestations aux Etats-Unis à la suite de la mort de George Floyd, un Afro-Américain, le gouvernement français joue l'apaisement, craignant l'effet domino sur les minorités qui souffrent de racisme et de discriminations. Lyon / De notre correspondant Walid Mebarek
Depuis les banlieues françaises, les injustices à l'encontre des Noirs américains sont vécues crûment. Les étincelles n'ont pas manqué dans certaines cités durant le confinement. Le placage au sol de George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans, qui en est mort, n'est pas une vue de l'esprit en France. Plusieurs cas sont avérés de contrôles violents opérés par les policiers français. Le cas d'Adama Traoré, qui remonte à quatre ans, a été suivi d'autres cas depuis et pas uniquement dans les quartiers populaires. Le dernier en date remonte à il y a quelques jours sur un jeune de 14 ans à Bondy. La famille de Gabriel a déposé plainte devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour violences aggravées en réunion sur mineur de moins de 15 ans par des personnes dépositaires de l'autorité publique. Alors que le tribunal se réunissait la semaine dernière pour traiter de l'affaire Adama, une nouvelle expertise relevait que le décès du Malien faisait «suite à un syndrome asphyxique. Le syndrome asphyxique fait suite à un œdème cardiogénique. L'œdème cardiogénique fait suite à une asphyxie positionnelle induite par le plaquage ventral». Devant le bâtiment du tribunal, ils étaient plusieurs milliers de personnes (23 000 personnes, selon le ministère de l'Intérieur et 40 000 selon les organisateurs) à réclamer la «vérité pour Adama», le 2 juin, à l'appel du comité de soutien à la famille d'Adama Traoré. Et pour dénoncer le racisme et les violences policières, on a instauré un rassemblement interdit en état d'urgence sanitaire. Ce qui fait dire au journal Marianne : «Se contenter de s'offusquer devant l'illégalité de ce rassemblement reviendrait à passer à côté d'un événement majeur que le silence embarrassé des politiques et la couverture minimale des médias vont contribuer à diffuser. La population, majoritairement jeune, qui s'est massée devant le lieu où se rend la justice, en nourrira plus encore l'idée qu'elle est occultée et méprisée par des institutions qui ne la représentent pas.» La manifestation a dégénéré à la fin avec de nouveau l'utilisation de la manière forte par la police. Les observateurs se demandant si la réaction policière n'exacerbait pas la violence de ceux qui parmi les manifestants veulent en découdre. Pour ceux-là, la pensée bifurquait vers les Etats-Unis, avec l'idée de défendre, ici comme là-bas, des droits trop souvent bafoués. D'autres manifestations ont mobilisé à nouveau des milliers de personnes pour rendre hommage à George Floyd, et pour dénoncer le racisme et les violences policières en France, samedi à Paris et dans d'autres villes comme Lille, Marseille, Nice, Lyon, Strasbourg…. Le ministre de l'Intérieur annonce des sanctions contre le racisme dans la police Le ministre de l'Intérieur a sur ce thème avoué explicitement devant le Sénat les actes racistes dont sont victimes les Noirs et Maghrébins principalement : «Chaque faute, chaque excès, chaque mot, y compris des expressions racistes doivent faire l'objet d'une enquête, d'une décision, d'une sanction.» Il disait que son ministère serait « intransigeant : «L'exigence que nous avons vis-à-vis des policiers qui fauteraient, c'est garantir la sérénité du travail de l'ensemble de la police.» Toute la classe politique avait précédemment dénoncé son soutien aux policiers sans jamais mettre dans la balance les fautes commises, jusqu'à ce changement de cap au Sénat. Ainsi dans un tweet, Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) : «#Castaner ! La violence c'est vous et votre préfet qui la provoquez ! Ça suffit ! Le pays mérite mieux que votre jeu d'apprenti sorcier. Donald Trump n'est pas un modèle. #JusticePourAdama.» Aurélien Taché, ex-député de la majorité présidentielle, devait écria écrit : «La violence n'a pas sa place en démocratie, c'est vrai. Ni dans la police républicaine et quand elle se manifeste, elle ne peut rester impunie. Fin du plaquage ventral, caméras piétons, indépendance de l'IGPN… des réponses fortes sont indispensables à la cohésion du pays.» Yves Lefebvre, secrétaire général de SGP Police, met en garde sur CNews l'opinion publique et les autorités : «On est à la veille d'un embrasement dans les banlieues. Ça c'est très clair. On le sait tous et toutes dans le milieu policier. […] On sent que la cocotte minute, passez-moi la métaphore, est prête à exploser à tout moment.» Pourtant, il y a quelques jours, le préfet de police de Paris, M. Lallement, avait défendu ses troupes, les assurant de «son soutien contre les accusations de violence et de racisme». Il désignait à ce sujet les «réseaux sociaux et certains groupes d'activistes». Le clash de Camélia Jordana C'était sa réponse à l'artiste Camélia Jordana, chanteuse et comédienne d'origine algérienne, qui avait dans une émission de télévision, avoué sa crainte des policiers : «Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j'en fais partie.» «Je ne parle pas des manifestants, je parle des hommes et des femmes qui vont travailler tous les matins en banlieue et qui se font massacrer pour nulle autre raison que leur couleur de peau. C'est un fait.» Elle parlait ainsi avec un peu d'exagération des hommes et des femmes maghrébins ou noirs. Le ministre de l'Intérieur lui-même dénonça ses propos, la menaçant d'une plainte, estimant que «ces propos mensongers et honteux alimentent la haine et la violence». Chiche, lui avait répondu Camélia Jordana, l'invitant à en débattre sur un plateau de télévision. Finalement, M. Castaner en resta là… Un proche du président Macron, cité dans Le Parisien, affirme : «La proportion qu'a prise cette polémique après ces propos est assez révélatrice du climat ambiant. Le vrai sujet pour nous maintenant, c'est comment on retisse la confiance entre ceux qui nous protègent et toute une partie de la population.»